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générale. Aussi les disciples répondent | en second lieu au Sauveur pour s'excuser de secourir cette multitude affamée, que le lieu est désert et stérile, que l'heure est déjà passée, et qu'il faut renvoyer le peuple, afin qu'il aille dans les bourgs, et dans les maisons voisines, acheter de quoi se nourrir. Nouveau prétexte dont on se sert pour se dispenser de la miséricorde: le malheur des temps: la stérilité et le dérangement des saisons.

m.

Mais premièrement Jésus-Christ n'aurait-il pas pu répondre aux disciples, dit S. Chrysostôme: C'est parce que le lieu est désert et stérile, et que ce peuple ne saurait y trouver de quoi soulager sa faim, qu'il ne faut pas le renvoyer à jeun, de peur que les forces ne lui manquent en chemin. Et voilà, f., ce que je pourrais aussi d'abord vous répondre: Les temps sont mauvais; les saisons sont fâcheuses: ah: c'est pour cela même que vous devez entrer dans des inquiétudes plus vives et plus tendres sur les besoins de vos frères. Si le lieu est désert et stérile pour vous, que doit-il être pour tant de malheureux? si vous vous ressentez du malheur des temps, ceux qui n'ont pas les mêmes ressources que vous, que n'en doivent-ils pas souffrir? si les plaies de l'Égypte entrent jusque dans les palais des grands et de Pharaon même, quelle sera la désolation de la cabane du pauvre et du laboureur: si les princes d'Israël, dans Samarie affligée, ne trouvent plus de ressource dans leur aire, ni dans leur pressoir, selon l'expression du prophète, quelle sera l'extrémité d'une populace obscure, réduite peut-être, comme cette mère infortunée, non à se nourrir du sang de son enfant, mais à faire de son innocence et de son âme, le prix funeste de sa nécessité?

Mais d'ailleurs, ces fléaux dont nous sommes affligés, et dont vous vous plaignez, sont la peine de votre dureté envers les pauvres: Dieu venge sur vos biens l'injuste usage que vous en faites; ce sont les cris et les gémissements des malheureux que vous abandonnez, qui attirent l'indignation du Ciel sur vos

terres et sur vos campagnes. C'est donc dans ces calamités publiques, qu'il faut vous hâter d'apaiser la colère de Dieu par l'abondance de vos largesses: c'est alors qu'il faut plus que jamais intéresser les pauvres dans vos malheurs. Ah! vous vous avisez de vous adresser au Ciel, d'invoquer par des supplications générales, les saints protecteurs de cette monarchie, pour obtenir des saisons plus heureuses, la cessation des fléaux publics, le retour de la sérénité et de l'abondance: mais ce n'est là seulement qu'il faut porter vos vœux et vos prières: vous ne trouverez jamais les saints sensibles à vos peines, tandis que vous ne le serez pas vous-mêmes à celles de vos frères: vous avez sur la terre les maîtres des vents et des saisons: adressez-vous aux pauvres, ce sont eux qui ont, pour ainsi dire, les clefs du Ciel: ce sont leurs vœux, qui règlent les temps et les saisons; qui nous ramènent des jours sereins ou funestes; qui suspendent ou qui attirent les faveurs du Ciel: car l'abondance n'est donnée à la terre que pour leur soulagement: et ce n'est que par rapport à eux que le Ciel vous punit, ou que le Ciel vous favorise.

Mais pour achever de vous confondre, vous, m. f., qui nous alléguez si fort le malheur des temps: la rigueur prétendue de ces temps retranche-t-elle quelque chose à vos plaisirs? que souffrent vos passions des misères publiques? Si le malheur des temps vous oblige à vous retrancher sur vos dépenses, retranchez d'abord tout ce que la religion condamne dans l'usage de vos biens; réglez vos tables, vos parures, vos jeux, vos trains, vos édifices sur le pied de l'Évangile, que les retranchements de la charité ne viennent du moins qu'après tous les autres; retranchez vos crimes, avant que de retrancher vos devoirs. C'est le dessein de Dieu, quand il frappe de stérilité les provinces et les royaumes, d'ôter aux grands et aux puissants les occasions des dissolutions et des excès: entrez donc dans l'ordre de sa justice et de sa sagesse; regardez-vous comme des criminels publics que le Seigneur châtie par des punitions publiques; diteslui, comme David, lorsqu'il vit la main

de Dieu appesantie sur son peuple: C'est sur moi, Seigneur, qui suis le seul coupable, qui ai attiré votre indignation sur ce royaume en abusant de ma prospérité, et en me livrant à des passions honteuses: c'est sur moi seul que doit tomber la fureur de votre bras! mais cette populace obscure et affligée; mais ces infortunés, qui dans une condition pénible, ne mangeaient leur pain qu'à la sueur de leur front? eh! qu'ont-ils fait, Seigneur, pour être exposés au glaive de votre vengeance?

Voilà votre modèle: faites cesser, en finissant vos désordres, la cause des malheurs publics; offrez à Dieu, en la personne des pauvres, le retranchement de vos plaisirs et de vos profusions, comme le seul sacrifice de justice, capable de désarmer sa colère; et puisque ces fléaux ne tombent sur la terre que pour punir l'abus que vous avez fait de l'abondance, portez-en aussi tout seuls, en retranchant ces abus, la peine et l'amertume. Mais qu'on ne s'aperçoive des malheurs publics, ni dans l'orgueil des équipages, ni dans la sensualité des repas, ni dans la magnificence des édifices, ni dans la fureur du jeu et l'entêtement des plaisirs, mais seulement dans votre inhumanité envers les pauvres; mais que tout au dehors, les spectacles, les assemblées profanes, les réjouissances publiques, que tout aille même train, tandis que la charité seule se refroidira; mais que le luxe croisse même de jour en jour, et que la miséricorde seule diminue; mais que le monde et le démon ne perdent rien au malheur des temps, tandis que Jésus-Christ tout seul en souffre dans ses membres affligés; mais que le riche, à couvert de son opulence, ne voie que de loin les effets de la colère du Ciel, tandis que le pauvre et l'innocent en deviendront la triste victime. Grand Dieu! vous ne voudriez donc frapper que les malheureux en répandant des fléaux sur la terre? votre unique dessein serait donc d'achever d'écraser ces infortunés sur qui votre main s'était déjà si fort appesantie, en les faisant naître dans l'indigence et dans la misère? les puissants de l'Égypte seraient donc épargnés par l'ange exter

minateur, tandis que toute votre fureur viendrait fondre sur l'Israélite affligé, sur son toit pauvre et dépourvu, et marqué même du sang de l'Agneau? Oui, m. f., les calamités publiques ne sont destinées qu'à punir les riches et les puissants: et ce sont les riches et les puissants tout seuls qui n'en souffrent rien; au contraire, en multipliant les malheureux, elles leur fournissent un nouveau prétexte de se dispenser du devoir de la miséricorde.

Mais en premier lieu, d'où vient, je vous prie, cette multitude de pauvres dont vous vous plaignez! Je sais que le malheur des temps peut en augmenter le nombre; mais les guerres, les maladies populaires, les dérèglements des saisons que nous éprouvons, ont été de tous les siècles: les calamités que nous voyons, ne sont pas nouvelles; nos pères les ont vues, et ils en ont vu même de plus tristes: des dissensions civiles, le père armé contre l'enfant; le frère contre le frère; les campagnes ravagées par leurs propres habitants: le royaume en proie à des nations ennemies: personne en sûreté sous son propre toit: nous ne voyons pas ces malheurs; mais ont-ils vu ce que nous voyons? tant de misères publiques et cachées? tant de familles déchues? tant de citoyens autrefois distingués aujourd'hui sur la poussière, et confondus avec le plus vil peuple? les arts devenus presque inutiles? l'image de la faim et de la mort répandues sur les villes et sur les campagnes? que dirai-je? tant de désordres secrets qui éclatent tous les jours, qui sortent de leurs ténèbres, et où précipite le désespoir et l'affreuse nécessité! D'où vient cela, m. f.; n'est-ce pas d'un luxe qui engloutit tout, et qui était inconnu à nos pères? de vos dépenses qui ne connaissent plus de bornes, et qui entrainent nécessairement avec elles le refroidissement de la charité?

Ah! l'église naissante n'était-elle pas persécutée, désolée, affligée? les malheurs de nos siècles approchent-ils de ceux-là? on y souffrait la proscription des biens, l'exil, la prison, les charges les plus onéreuses de l'état tombaient sur ceux qu'on soupçonnait d'être chré

tiens; en un mot, on ne vit jamais tant de calamités; et cependant il n'y avait point de pauvres parmi eux, dit S. Luc. Ah! c'est que des richesses de simplicité sortaient du fond de leur pauvreté même, selon l'expression de l'apôtre; c'est qu'ils donnaient selon leurs forces et au delà: c'est que des provinces les plus éloignées, par les soins des hommes apostoliques, coulaient des fleuves de charité, qui venaient consoler les frères assemblés à Jerusalem, et plus exposés que les autres à la fureur de la synagogue.

Mais plus encore que tout cela: c'est que les plus puissants d'entre les premiers fidèles étaient ornés de modestie, et que nos grands biens peuvent à peine suffire au faste monstrueux dont l'usage nous fait une loi: c'est que leurs festins étaient des repas de sobriété et de charité; et que la sainte abstinence même que nous célébrons, ne peut modérer parmi nous les profusions et les excès des tables et des repas: c'est que n'ayant point ici bas de cité permanente, ils ne s'épuisaient pas pour y faire des établissements brillants, pour illustrer leur nom, pour élever leur postérité, en ennoblir leur obscurité, ils ne pensaient qu'à s'assurer une meilleure condition dans la patrie céleste; et qu'aujourd'hui nul n'est content de son état; chacun veut monter plus haut que ses ancêtres, et que leur patrimoine n'est employé qu'à acheter des titres et des dignités qui puissent faire oublier leur nom et la bassesse de leur origine: en un mot, c'est que la diminution de ces premiers fidèles, comme parle l'apôtre, faisaient toute la richesse de leurs frères affligés, et que nos profusions font aujourd'hui toute leur misère et leur indigence. Ce sont donc nos excès, m. f., et notre dureté, qui multiplient le nombre des malheureux; n'excusez donc plus là-dessus le défaut de vos aumônes; ce serait faire de votre péché même votre excuse. Ah! vous vous plaignez que les pauvres vous accablent; mais c'est de quoi ils auraient lieu de se plaindre un jour eux-mêmes: ne leur faites donc pas un crime de votre insensibilité, et ne leur reprochez pas ce

qu'ils vous reprocheront sans doute un jour devant le tribunal de Jésus-Christ.

Si chacun de vous, selon l'avis de l'apôtre, mettait à part une certaine portion de ses biens pour la subsistance des malheureux; si dans la supputation de vos dépenses et de vos revenus, cet article était toujours le plus sacré et le plus inviolable; eh! nous verrions bientôt diminuer parmi nous le nombre des affligés: nous verrions bientôt renaître dans l'église la paix, l'allégresse, l'heureuse égalité des premiers chrétiens; nous n'y verrions plus avec douleur cette monstrueuse disproportion, qui élève les uns et les place sur le faîte de la prospérité et de l'opulence, tandis que les autres rampent sur la terre et gémissent dans l'abîme de l'indigence et de l'affliction; il n'y aurait parmi nous de malheureux que les impies: point de misères secrètes, que celles que le péché opère dans les âmes: point de larmes, que des larmes de pénitence: point de soupirs que pour le Ciel, point de pauvres que ces heureux disciples de l'Évangile, qui renoncent à tout pour suivre leur maître: nos villes seraient le séjour de l'innocence et de la miséricorde: la religion, un commerce de charité : la terre, l'image du ciel, où dans différentes mesures de gloire, chacun est également heureux: et les ennemis de la foi seraient encore forcés, comme autrefois, de rendre gloire à Dieu, et de convenir qu'il y a quelque chose de divin dans une religion qui peut unir les hommes d'une manière si nouvelle....

Mes frères, que la présence des pauvres devant le tribunal de Jésus-Christ sera terrible pour la plupart des riches du monde! que ces accusateurs seront puissants; et qu'il vous restera peu de chose à répondre, quand ils vous reprocheront qu'il fallait si peu de secours pour soulager leur indigence: qu'un seul jour retranché de vos profusions, aurait suffi pour remédier aux besoins d'une de leurs années; que c'est leur propre bien que vous leur refusiez, puisque ce que vous aviez de trop leur appartenait: qu'ainsi vous avez été non-seulement cruels, mais encore in

justes en le leur refusant: mais enfin que votre dureté n'a servi qu'à exercer leur patience, et les rendre plus dignes de l'immortalité, tandis que vous alors, dépouillés pour toujours de ces mêmes biens que vous n'avez pas voulu mettre en sûreté dans le sein des pauvres, n'aurez plus pour partage que la malédiction préparée à ceux qui auront vu Jésus-Christ souffrant la faim, la soif, la nudité dans ses membres, et qui ne l'auront pas soulagé. Telle est l'illusion des prétextes dont on se sert pour se dispenser du devoir de l'aumône; établissons maintenant les règles qu'il faut observer en l'accomplissant: et après avoir défendu cette obligation contre toutes les vaines excuses de la cupidité, tâchons de la sauver aussi des défauts même de la charité.

Ne point sonner de la trompette pour s'attirer les regards publics dans les offices de miséricorde que nous rendons à nos frères; observer l'ordre de

la justice même dans la charité, et ne pas préférer des besoins étrangers à ceux dont nous sommes chargés; paraître touchés de l'infortune, et savoir consoler les pauvres par notre affabilité autant que par nos dons; enfin éclairer même par notre vigilance, le secret de leur honte: voilà les règles que nous prescrit aujourd'hui l'exemple du Sauveur dans la pratique de la miséricorde....

Aimez donc les pauvres comme vos frères, secourez-les comme vos enfants; respectez-les comme Jésus-Christ luimême, afin qu'il vous dise au grand jour: Venez, les bénis de mon Père, possédez le royaume qui vous était préparé: parce que j'avais faim, et vous m'avez rassasie: j'étais malade, et vous m'avez soulagé; car ce que vous avez fait au moindre de mes serviteurs, vous l'avez fait à moi-même. C'est ce que je vous souhaite.

Ainsi soit-il.

MIRABEAU.

Honoré Gabriel Riquetti, comte de Mirabeau, naquit au Bignon, près de Nemours, le 9 mars 1749. Il était fils du marquis de Mirabeau, l'économiste, qui s'appelait l'ami des hommes, et qui fut le tyran de sa famille. Il fut agité de bonne heure de passions violentes, qui furent la cause de ses malheurs et qui devinrent peut-être le premier aiguillon de ses talents. Sa conduite scandaleuse le fit enfermer dans différentes prisons, en vertu de lettres de cachet. C'est là qu'il puisa cette haine du despotisme et cet amour ardent de la liberté qui inspirèrent son éloquence. En 1789, à l'époque de la réunion des états généraux, le comte de Mirabeau, repoussé par la noblesse, fut élu député du tiers état en Provence. Dès son entrée dans l'Assemblée nationale, il la domina par sa parole. A la voix de ce redoutable tribun,

DISCOURS SUR LA BANQUEROUTE. Au milieu de tant de débats tumultueux, ne pourrai-je donc vous ramener à la délibération du jour par un petit nombre de questions bien simples? Daignez, messieurs, daignez me répondre. Le ministre des finances ne vous a-t-il pas fait le tableau le plus effrayant de notre situation actuelle? Ne vous a-t-il pas dit que tout délai aggravait le péril; qu'un jour, une heure, un in

l'ancien ordre social s'écroule tout entier. Mais Mirabeau n'était pas républicain; il voulait fonder en France une monarchie constitutionnelle. Quand il vit la royauté en danger, il prit sa défense et résolut d'arrêter le torrent révolutionnaire. La mort le surprit, le 2 avril 1791, au moment où il allait cominencer cette nouvelle lutte. Voici les titres des principaux ouvrages de Mirabeau: Lettre sur la réforme politique des juifs, Lettre sur Cagliostro, Observations sur Bicêtre, Lettre à Guibert sur son Eloge de Frédéric, De l'usure, Aux Bataves, Conseils à un jeune prince, Théorie de la royauté, Lettres à un de ses amis en Allemagne, Lettres à Chamfort, Sur les lettres de cachet, La monarchie prussienne.

stant pouvait le rendre mortel? Avonsnous un plan à substituer à celui qu'il propose? (Oui, s'écrie une voix.) Je conjure celui qui répond oui, de considérer que son plan n'est pas connu, qu'il faut du temps pour le développer, l'examiner, le démontrer; que, fût-il immédiatement soumis à notre délibé ration, son auteur a pu se tromper; que, fût-il exempt de toute erreur, on peut croire qu'il ne l'est pas que quand

tout le monde a tort, tout le monde a raison; qu'il se pourrait donc que l'auteur de cet autre projet, même ayant raison, eût tort contre tout le monde, puisque, sans l'assentiment de l'opinion publique, le plus grand talent ne saurait triompher des circonstances. Et moi aussi je ne crois pas les moyens de M. Necker les meilleurs possibles; mais le ciel me préserve, dans une situation si critique, d'opposer les miens aux siens! Vainement je les tiendrais pour préférables: on ne rivalise point en un instant une popularité prodigieuse, conquise par des services éclatants, une longue expérience, la réputation du premier talent de financier connu, et, s'il faut tout dire, une destinée telle qu'elle n'échut en partage à aucun mortel. Il faut donc en revenir au plan de M. Necker. Mais avons-nous le temps de l'examiner, de sonder ses bases, de vérifier ses calculs? Non, non, mille fois non. D'insignificantes questions, des conjectures hasardées, des tâtonnements infidèles; voilà tout ce qui, dans ce moment, est en notre pouvoir. Qu'allons-nous donc faire par le renvoi de la délibération? Manquer le moment décisif, acharner notre amour propre à changer quelque chose à un plan que nous n'avons pas même conçu, et diminuer, par notre intervention indiscrète, l'influence d'un ministre dont le crédit financier est et doit être plus grand que le nôtre. Messieurs, certainement il n'y a là ni sagesse ni prévoyance; mais du moins y a-t-il de la bonne foi. Oh! si les déclarations les plus solennelles ne garantissaient pas notre respect pour la foi publique, notre horreur pour l'infâme mot de banqueroute, j'oserais scruter les motifs secrets, et peut-être, hélas! ignorés de nousmêmes, qui nous font si imprudemment reculer, au moment de proclamer l'acte du plus grand dévoûment, certainement inefficace, s'il n'est pas rapide et vraiment abandonné! je dirais à ceux qui se familiarisent peut-être avec l'idée de manquer aux engagements publics, par la crainte de l'excès des sacrifices, par la terreur de l'impôt, je leur dirais: qu'est-ce donc que la banqueroute, si ce

n'est le plus cruel, le plus inique, le plus inégal, le plus désastreux des impôts?... Mes amis, écoutez un mot, un seul mot. Deux siècles de déprédations et de brigandages ont creusé le gouffre où le royaume est près de s'engloutir: il faut le combler ce gouffre effroyable. Eh bien! voici la liste des propriétaires français: choisissez parmi les plus riches, afin de sacrifier moins de citoyens. Mais choisissez; car ne faut-il pas qu'un petit nombre périsse pour sauver la masse du peuple? Allons, ces deux mille notables possèdent de quoi combler le déficit. Ramenez l'ordre dans vos finances, la paix et la prospérité dans le royaume. Frappez, immolez sans pitié ces tristes victimes; précipitez-les dans l'abîme: il va se refermer... Vous reculez d'horreur ... Hommes inconséquents! hommes pusillanimes! Eh! ne voyez-vous donc pas qu'en décrétant la banqueroute, ou, ce qui est plus odieux encore, en la rendant inévitable sans la décréter, vous vous souillez d'un acte mille fois plus criminel, et, chose inconcevable, gratuitement criminel? car enfin cet horrible sacrifice ferait du moins disparaître le déficit. Mais croyez-vous, parce que vous n'aurez pas payé, que vous ne devrez plus rien? Croyez-vous que les milliers, les millions d'hommes, qui perdront en un instant, par l'explosion terrible, ou par ses contre-coups, tout ce qui faisait la consolation de leur vie, et peut-être l'unique moyen de la sustenter, vous laisseront paisiblement jouir de votre crime? Contemplateurs stoïques des maux incalculables que cette catastrophe vomira sur la France, impassibles égoïstes qui pensez que ces convulsions du désespoir et de la misère passeront comme tant d'autres et d'autant plus rapidement qu'elles seront plus violentes, êtes-vous bien sûrs que tant d'hommes sans pain vous laisseront tranquillement savourer les mots dont vous n'aurez voulu diminuer ni le nombre ni la délicatesse? Non, vous périrez, et dans la conflagration universelle que vous ne frémissez pas d'allumer, la perte de votre honneur ne sauvera pas une seule de vos détes

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