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le Journal des Savans, qui commença en 1665, est le père de tous les ouvrages de ce genre, dont l'Europe est aujourd'hui remplie*) et dans lesquels trop d'abus se sont glissés, comme dans les choses les plus utiles.

L'Académie des belles lettres, **) formée d'abord en 1663 de quelques membres de l'Académie Française, pour transmettre à la postérité par des médailles les actions de Louis XIV, devint utile au public, dès qu'elle ne fut plus uniquement occupée du Monarque, et qu'elle s'appliqua aux recherches de l'antiquité, et à une critique judicieuse des opinions et des faits. Elle fit à peu près dans l'histoire, ce que l'Académie des sciences faisait dans la physique; elle dissipa des erreurs.

L'esprit de sagesse et de critique, qui communiquait de proche en proche, détruisit insensiblement beaucoup de superstitions. C'est à cette raison naissante qu'on dut la déclaration du Roi de 1672, qui défendit aux tribunaux d'admettre les sim¬ ples accusations de sorcellerie. On ne l'eût pas ósé sous Henri IV et sous Louis XIII; et si depuis 1672 il y a eu encore des accusations de maléfices, les juges n'ont condamné d'ordinaire les accusés que comme des profanateurs, qui d'ailleurs em→ ployent le poison ***),

Il était très commun auparavant, d'éprouver les sorciers en les plongeant dans l'eau, liés de cordes; s'ils surnageaient, ils étaient convaincus. Plusieurs juges de province avaient ordonné ces épreuves; et elles continuèrent encore long-temps parmi le peuple. Tout berger était sorcier; et les amulètes, les anneaux constellés †), étaient en usage dans les villes. Les effets de la baguette de coudrier, ††) avec laquelle on croit découvrir les les trésors et les voleurs, passaient pour certains, et ont encore beaucoup de crédit dans plus d'une province d'Allemagne†††). Il n'y avait presque personne qui ne se fit tirer son

sources,

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*) Dieses Journal ist erst durch die Revolution unterbro- 1 chen worden, aber seit dem September 1816 wieder in den Gang gekommen. Es arbeiten jetzt so wie ehemals die berühmtesten französischen Gelehrten daran. **) Oder des Inscriptions. ***) Eq 160g six cent sorciers furent condamnés dans le ressort du Parlement de Bordeaux, et la plupart brûlés. Le fameux curé Louis Gauffredi, brûlé à Aix en 1611, avait avoué qu'il était sorcier, et les juges l'avaient cru. Anmerkung des Verfassers. †) Constelle heifst was unter einem gewissen Gestirn gemacht ist. ††) Auch baguette divinatoire, die Wünschelruthe. ttt) Voltaire gehört zu den französischen Schriftstellern, die von der Aufklärung der Deutschen keine hohe Begriffe hatten.

horoscope. On n'entendait parler que de secrets magiques; presque tout était illusion. Des savans, des magistrats, avaient écrit sérieusement sur ces matières. On distinguait parmi les auteurs une classe de démonographes *). Il y avait des règles, pour discerner les vrais magiciens, les vrais possédés, d'avec les faux; enfin, jusques vers ces tems-là l'on n'avait guère adopté de l'antiquité que des erreurs en tout genre.

Les idées superstitieuses étaient tellement enracinées chez les hommes, que les comètes les effrayaient encore en 1680. On osait à peine combattre cette crainte populaire. Jacques Bernoulli, l'un des grands mathémaciens de l'Europe, en répondant à propos de cette comète aux partisans du préjugé, dit que la chevelure de la comète ne peut être un signe de la colère divine, parce que cette chevelure est éternelle; mais que la queue pourrait bien en être un. Cependant ni la tête, ni la queue, ne sont éternelles. Il fallut que Bayle écrivit contre le préjugé vulgaire un livre fameux, que les progrès de la raison ont rendu aujourd'hui moins piquant qu'il ne l'était alors **).

Tous les genres de science et de littérature ont été épuisés dans ce siècle; et tant d'écrivains ont étendu les lumières de l'esprit humain, que ceux qui en d'autres tems auraient passé pour des prodiges, ont été confondus dans la foule. Leur gloire est peu de chose, à cause de leur nombre; et la gloire du siècle en est plus grande.

La saine philosophie ne fit pas en France d'aussi grands progrès qu'en Angleterre et à Florence; et si l'Académie des sciences rendit des services à l'esprit humain, elle ne mit pas la France au dessus des autres nations. Toutes les grandes inventions et les grandes vérités vinrent d'ailleurs.

Mais dans l'éloquence, dans la poësie, dans la littérature, dans les livres de morale et d'agrément, les Français furent les législateurs de l'Europe. Il n'y avait plus de goût en Italie. La véritable éloquence était partout ignorée, la religion enseignée ridiculement en chaire, et les causes plaidées de même dans le barreau. Les prédicateurs citaient Virgile et Ovide; les avocats, St. Augustin et St. Jérôme ***). Il ne s'était point en

*) Der Etymologie und dem Dictionnaire der französischen Akademie nach sind dies des auteurs qui ont écrit des démons. Dafs man eine solche Klasse von Schriftstellern in Deutschland mit einem besondern Namen ausgezeichnet hätte, ist uns nicht bekannt. **) S. oben S. 133. ***) Bekannte Kirchenväter.

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core trouvé de génie, qui eût donné à la langue française le tour, le nombre, la propriété du stile et la dignité. Quelques vers de Malherbe *) faisaient sentir seulement, qu'elle était capable de grandeur et de force: mais c'était tout. Les mêmes génies, qui avaient écrit très bien en latin, comme un président de Thou, un chancelier de l'Hôpital**), n'étaient plus les mêmes, quand ils mnaniaient leur propre langage, rebelle entre leurs mains. Le Français n'était encore recommandable, que par une certaine naïveté, qui avait fait le seul mérite d'Amiot, de Marot, de Montagne, et de Regnier ***). Cette naïveté tenait beaucoup à l'irrégularité, à la grossièreté.

Jean de Lingendes †), Évêque de Mâcon, aujourd'hui inconnu parce qu'il ne fit point imprimer ses ouvrages, fut le premier orateur qui parla dans le grand goût. Ses sermons et ses oraisons funèbres, quoique mêlées encore de la rouille de son tems, furent le modèle des, orateurs, qui l'imitèrent et le surpassèrent. L'oraison funèbre. de Charles-Emanuel Duc de Savoye, surnommé le Grand dans son pays, prononcée par Lingendes en 1630, était pleine de si grands traits d'éloquence, que Fléchier long-tems après en prit l'exorde tout entier, aussi bien que le texte et plusieurs passages considérables, pour en orner sa fameuse oraison funèbre du Vicomte de Turenne ††).

Balzac en ce tems-là donnait du nombre et de l'harmonie à la prose. Il est vrai que ses lettres étaient des harangues ampoulées +); il écrivait au premier Cardinal de Retz: Vous venez

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*) S, den zweiten Theil dieses Handbuchs, S. 25. ff. **) Jacques Auguste Thou (Thuanus), geb. 1553 zu Paris und daselbst 1617 gestorben, ist der Verf. einer schätzbaren Geschichte seiner Zeit, welche öfters, besonders 1735 zu London in 7 Foliobänden gedruckt worden ist. Michel de l'Hospital, geb. 1505 zu Aigueperse bei Auvergne, gest. 1573 als Kanzler von Frankreich auf seinem Landgut bei Estampes, war bei der Mitwelt berühmter als bei der Nachwelt. Seine Gedichte und Reden sind jetzt vergessen. Verdienter um die Wissenschaft hat sich Guillaume François Antoine de l'Hospital, geb. 1661, gest. 1704, durch seine noch immer geschätzte Analyse des infiniment petits (Paris 1696, 4) gemacht. ***) Von Jaques Amyot's Uebersetzung des Plutarch ist schon oben, S. 11, in einer Anmerkung die Rede gewesen. Von Marot, Montagne und Regnier handeln eigene Artikel dieses Handbuchs. +) Geboren zu Moulins 1591, gestorben 1660. Man hat von ihm Sermons, die zu Paris 1688, in 2 Vol. 8. erschienen sind. tt) S. oben S. 69. †††) Der Briefe des Jean-Louis Guez Seigneur de Balzac

de prendre le sceptre des rois et la livrée des roses." Il écrivait de Rome à Bois-Robert, en parlant des eaux de senteur: ,,Je me sauve à la nage dans ma chambre, au milieu des parfums." Avec tous ses défauts il charmait l'oreille. L'éloquence a tant de pouvoir sur les hommes qu'on admira Balzac dans son tems, pour avoir trouvé cette petite partie de l'art ignorée et nécessaire, qui consiste dans le choix harmonieux des paroles, et même pour l'avoir employée souvent hors de 'sa place.

Voiture *) donna quelqué idée des grâces légères de ce stile épistolaire, qui n'est pas le meilleur, puisqu'il ne consiste que dans la plaisanterie. C'est un baladinage que deux tomes de lettres dans lesquelles il n'y en pas une seule instructive, pas une qui parte du cœur, qui peigne les mœurs du temps et les caractères des hommes; c'est plutôt un abus qu'un usage de l'esprit.

La langue commençait à s'épurer, et à prendre une forme Constante. On en était rédevable à l'Académie Française, et surtout à Vaugelas **). Sa traduction de Quinte - Curce, qui parut en 1646, fut le premier bon livre écrit purement, et il s'y trouve peu d'expressions et de tours qui ayent vieilli.

Olivier Patru ***), qui le suivit de près, contribua beaucoup à régler, à épurer le langage; et quoiqu'il ne passât pas pour un avocat profond, on lui dut néanmoins l'ordre, la clarté, la bienséance, l'élégance du discours: mérites absolument inconnus avant lui au barreau.

Un des ouvrages, qui contribuèrent le plus à former le goût de la nation et à lui donner un esprit de justesse et de précision, fut le petit recueil des Maximes de François Dúc de la Rochefoucauld +). Quoiqu'il n'y ait presque qu'une vérité dans ce livre, qui est que l'amour propre est le mobile

(geb. 1594, gest. 1654) ist schon oben S. 155 in einer Anmerkung gedacht worden. Sie finden sich unter andern Ausgaben in der Sammlung seiner Werke, die in zwei Foliobänden erschie

nen ist.

*) S. oben S. 155. **) Claude Favre Seigneur de Vaugelas, geb. 1585, gest. 1650, hat sich um die Läuterung und Feststellung der französischen Sprache durch seine Rémarques sur la langue française grofse Verdienste erworben.

Die erste Ausgabe seiner Traduction de Quinte - Curce, an der er 30 Jahr gearbeitet haben soll, erschien Paris 1647, 4. ***) S oben S. 46. +) S. oben S. 26.

de tout; cependant cette pensée se présente sous tant d'aspects variés, qu'elle est presque toujours piquante. C'est moins up livre, que des matériaux pour orner un livre. On lut avidement ce petit recueil; il accoûtuma à penser et à renfermer ses pensées dans un tour vif, précis et délicat. C'était un mérite que personne n'avait eu avant lui en Europe, depuis la renaissance des lettres.

Mais le premier livre de génie, qu'on vit en prose, fut le recueil des Lettres provinciales *) en 1654. Toutes les sortes d'éloquence y sont renfermées. Il n'y a pas un seul mot, qui depuis cent ans se soit ressenti du changement qui altère souvent les langues vivantes. Il faut rapporter à cet ouvrage l'époque de la fixation du langage. L'évêque de Luçon, fils du célèbre Bussi **), m'a dit, qu'ayant demandé à Monsieur de Meaux, quel ouvrage il eût mieux aimé avoir fait, s'il n'avait pas fait les siens, Bossuet lui répondit: les Lettres provinciales. Elles ont beaucoup perdu de leur piquant, lorsque les Jésuites ont été abolis et les objets de leurs disputes méprisés. Le bon goût qui règne d'un bout à l'autre dans ce livre, et la vigueur des dernières lettres, ne corrigèrent pas d'abord le stile lâche, diffus, incorrect et décousu, qui depuis long-tems était celui de presque tous les écrivains, des prédicateurs et des avocats,

Un des premiers, qui étala dans la chaire une raison toujours éloquente, fut le père Bourdaloue vers l'an 1668 ***). Ce fut une lumière nouvelle. Il y a eu après lui d'autres orateurs de la chaire, comme le père Massillon †), Evêque de Clermont, qui ont répandu dans leurs discours plus de grâces, des peintures plus fines et plus pénétrantes des mœurs du siècle; mais aucun ne l'a fait oublier. Dans son stilé plus nerveux que fleuri, sans aucune imagination dans l'expression, il parait vouloir plutôt convaincre que toucher, et jamais il ne songe à plaire.

Il avait été précédé par Bossuet t†), depuis évêque de Meaux. Celui-ci avait prêché, assez jeune devant le roi et la

*) S. oben S. 17. **) Roger Rabutin Comte de Bussi, geb. 1618, gest. 1693, bekannt besonders durch seinen satyrischen und witzigen Roman Histoire amoureuse des Gaules, der ihn in die Ungnade Ludwigs XIV versetzte, und durch seine zu ihrer Zeit viel gelesenen, in einer reinen, wiewohl etwas gezwungenen Sprache geschriebenen Briefe. Sein Sohn, der Abt Bussi, 1723 zum Bischof von Luçon ernannt, soll ein gelehrter und liebenswürdiger Prälat gewesen seyn. ***) S. oben S. 200. +) S. ebendaselbst. ++) S. §. 85.

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