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Et de rechef iceulx Parisiens escripvirent leurs lectres à plusieurs bonnes villes du royaume, contenans que ce qu'ilz avoient fait estoit pour le bien du Roy, en leur requérant que se besoing leur estoit, les voulsissent conseiller, aider et conforter en tous leurs afaires, et aussi que tous se donassent à la fidélité et service du Roy et de son filz ainsné. Et après, afin que quelque congrégacion ne assemblé de gens d'armes ne feust faicte par aucuns des seigneurs, fu fait ung édict de par le Roy à la requeste desdiz Parisiens, adréçans à tous les bailliz et séneschaulx de tout le royaume de France, duquel la teneur s'ensuit :

« Charles, par la grace de Dieu, roy de France, au bailli d'Amiens ou à son lieutenant, salut. Comme ès divisions et débas qui naguères estoient en nostre royaume, Nous, et nostre très cher ainsné, duc d'Acquitaine, Daulphin de Viennois, aions tant labouré que, Dieu devant, aions ordonné bonne paix estre et demourer en nostre royaume, laquelle ceulx de nostre lignée, pour la plus grant partie, ont fiancé et promis à tenir icelle, en oultre ont promis de jurer et le serement entretenir à leur povoir, et ne loist à aucun faire mandement quelconques ne assemblée de gens d'armes, si non de nostre exprès commandement; ce non obstant nous avons entendu que aucuns de nostre sang et autres se préparent de assembler gens d'armes et autres gens par manière de compaignies, en plusieurs parties de nostre royaume, sans de ce avoir licence de nous, laquelle chose est et pourroit estre à nostre grant charge, et s'en pourroient ensuir plusieurs inconvéniens se briefment n'y estoit pourveu de remède. Pour laquelle chose nous vous mandons et

expressément enjoingnons, que de vostre partie soit publié publiquement en tous les lieux publiques de vostre bailliage, en défendant de par nous et sur peine de confiscacion de corps et de biens, que quelconque personne, de quelque estat qu'il soit, baron, chevalier ou autre, ne voise en armes au mandement de quelque seigneur, sinon au mandement de nous et de nostre filz, ou de nostre amé cousin de Saint-Pol, connestable de France, ou autre nostre commis. Et afin qu'il vous appare de ce, nous vous envoions noz lectres seellées de nostre grant seel en nostre conseil. Et leur enjoinct que toutes et quantes foiz qu'ilz seront mandez par nous ou par nostredit filz, qu'ilz viengnent. Et pour tant que noz très chers oncle et cousin, les ducs de Berry et de Lorraine, sont continuellement en nostre service, nostre intencion n'est point que leurs vassaulx et subgetz ne puissent venir devers eulx, toutes et quantes foiz qu'ilz seront mandez, pour eulx emploier en nostre service. Et se aueuns dudit bailliage font le contraire, nous voulons, et par la teneur de ces présentes vous mandons, que vous les contraingnez par prinse de corps et de biens où qu'ilz soient, comme ilz sont tenus à leur souverain seigneur. Donné à Paris, le 1x jour de may, l'an de grace mil quatre cens et treize, et de nostre règne le xxxIII. Ainsi signées par le Roy, à la relacion du conseil tenu par le duc d'Acquitaine, où estoient les ducs de Berry, de Lorraine et plusieurs autres 1. >>

1. Ces lettres sont imprimées dans le Recueil des Ordonn., t. X, p. 146.

Lequel mandement fut tantost envoié ès lieux acoustumez et publié.

Et alors tous les Parisiens avoient fait une livrée de blans chaperons', lesquelz ilz portoient afin qu'ilz peussent mieulx congnoistre ceulx qui estoient de leur parti et aliance, et mesmement les firent porter à plusieurs princes et autres grans et notables seigneurs et aussi à plusieurs gens d'église, et qui plus est, de plus le porta le Roy en propre personne. Laquelle besongne sembla à plusieurs preudommes estre de grant desrision, actendu les détestables et cruelles manières que avoient tenues et encores tenoient iceulx Parisiens, lesquelles n'estoient point à tolérer, ne à souffrir. Touteffoiz ilz estoient alors si puissans et obstinez en leur mauvaisetié, que les princes n'y sçavoient comment bonnement pourveoir. Car iceulx avoient grant fiance et espérance qu'ilz seroient soustenus et aidez du duc de Bourgongne et de ceulx de son parti, se besoing leur estoit.

1. In principio maii fecerunt sibi capucia alba (Religieux de Saint-Denis, t. V, p. 27), l'auteur du Journal d'un Bourgeois de Paris, dit qu'on en fit bien de deux à trois mille, et qu'avant la fin du mois tout le monde en portait, princes, gens d'églises, • femmes d'onneur » et marchandes (voy. La Barre, p. 14). Il est bon de remarquer ici en passant, que c'était un usage dans la maison du roi de faire des distributions de vêtements aux gens de la cour, le 1er mai.

CHAPITRE CIII.

Comment lesdiz Parisiens en la présence du duc d'Acquitaine firent proposer plusieurs choses. Et autres cruaultez faictes par eulx.

En après, le x1o jour de may ensuivant, par ung jeudi, la bonne ville de Paris, laquelle eut audience, fist proposer devant les ducs d'Acquitaine, de Berry, de Bourgongne et de Lorraine, et devant les contes de Nevers et de Charrolois, et devant plusieurs autres prélats, chevaliers et autres gens portans blans chaperons pour leur livrée, qui passoit le nombre de douze mille personnes, aucunes choses. Et en la fin de la proposicion firent bailler audit duc d'Acquitaine ung roole, lequel il voult refuser, mais ilz le contraignirent à le prendre, et là le firent lire en publique. Ouquel estoient dénommez soixante traistres, tant présens comme absens. Les présens furent prestement prins et mis en prison, jusques au nombre de vingt, entre lesquelz estoient le seigneur de Boissai, le maistre d'ostel du Roy, Michel Lallier et autres jusques au nombre dessusdit. Et les absens furent appellez par les quarrefours de Paris au son de la trompete aux droiz du Roy et dedens jours moult briefz, sur peine de confiscacion de corps et de biens quelque part et où qu'ilz feussent trouvez.

Et est vérité que le xvII° jour dudit mois de may, le Roy fut sané de sadicte maladie; et de son hostel de Saint-Pol vint à la grant église de Nostre-Dame, portant blanc chaperon comme les autres princes. Et après qu'il eut faicte son oraison il s'en retourna en

sondit hostel, acompaigné de grande multitude de peuple, tant précédant comme suivant. Et après, le lundi xxR jour de may, lesdiz Parisiens à grant multitude de hommes d'armes environnèrent leur ville et mirent gardes sur leurs gouverneurs, afin que nul ne s'en peust fuyr ne saillir hors de leurdicte ville. Et les portes estoient closes et fermées', et y avoit garde de hommes en grant multitude, bien armez de toutes pièces. Et establirent certains hommes armez en chascune rue de Paris, par dizaines. Et ce fait, le prévost des marchans, les eschevins et tous les gouverneurs de ladicte bonne ville vindrent à grant multitude bien armez en l'ostel de Saint-Pol, et ès trois cours dudit hostel mirent et ordonnèrent leurs gens d'armes, et leur dirent ce qu'ilz devoient faire, et puis alèrent devers le Roy, qui estoit avecques la Royne et son filz, qui de ce riens ne sçavoient. Et pour lors avoit à Paris une grant assemblée de seigneurs, c'estassavoir les ducs de Berry, de Bourgongne, de Lorraine et Loys duc en Bavière, frère de la Royne, lequel devoit, lendemain audit lieu de Saint-Pol, épouser la seur du conte d'Alençon, laquelle avoit eu espouse le conte de Mortaigne 2, c'estassavoir de Pierre de Navarre, et y estoient aussi les contes de Nevers, de Charrolois, de Saint-Pol, connestable de France et plusieurs au

1. Le ms. Suppl. fr. 93, ajoute, avec les tappeculz et serrurez (fol. 169, col. 2).

2. C'est la leçon du ms. Suppl. fr. 93, que nous substituons à celle de notre texte qui est inintelligible; car on y lit : qui avoit eu espouse la seur du conte de Mortaigne. Catherine d'Alençon, sœur de Pierre II, comte d'Alençon, avait épousé en premières noces Pierre de Navarre, comte de Mortain.

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