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auoit fait mourir les principaux, banny les autres, ou fait languir dans des prisons autant qu'il pouuoit s'imaginer y en auoir qui détestoient sa tyrannie. Le peu qui en restoit, estoient si effrayez de ces cruautez inouyes, qu'ils n'osoient pas mesme lascher vne parole qui approchast de la plainte; si bien que quand Brutus s'en vint du camp de deuant Ardée à Rome et qu'il descouurit son dessein, à peine le peurent-ils croire et n'osèrent se déclarer iusques à ce qu'il les eut rasseurez. Qui ne se fust pas douté de quelque fourbe de la part d'vn homme qui estoit du sang Royal? Enfin les voilà assemblez, et dans la résolution de ne plus receuoir Tarquin; l'affaire est communiquée au peuple; tout le monde y consent. Mais comment se défendre ? Leur ruine estoit ce semble inéuitable le roy estoit deuant Ardée auec vne puissante armée; et eux n'auoient pas vn homme sur pied, ny pas vne place que leur ville. Les bourgeois ne sont pas d'ordinaire bons soldats hors de leur foyer. N'importe, la iustice de leur cause les anime; Brutus leur lèue toute crainte en leur monstrant que l'armée Royale estoit fatiguée des guerres passées, que les soldats n'auroient pas d'autres sentimens que leurs concitoyens, et que quand mesme il y en auroit de mal affectionnez, leurs femmes, enfans et proches parens et tout leur bien estoient en ville, qui seruoient d'ostages très asseurez. Incontinent tout le monde prend les armes; le Sénat donne ordre au dedans; et luy, accompagné des plus courageux, s'en va deuant Ardée. L'armée luy tend les bras; et le Tyran est contraint de s'enfuir. Ce n'est pas le tout le voilà aussitôt reuenu aux portes de Rome auec les forces de Porsenna et la réduit aux abois. Qu'ariue-t-il ? Des prodiges sur des prodiges. L'vn arreste toute l'armée

ennemie au bout d'vn pont, pendant qu'on le rompt der-
rière luy, et tout chargé de coups se iette dans le Tibre
et se sauue deuers les siens. Vn autre s'en va au camp
de Porsenna et le fait trembler par sa constance. Il n'y
a pas iusques aux filles qui disputent auec les hommes à
qui fera plus paroistre de générosité. Personne ne veut
escouter aucune proposition du Tyran; tout le monde luy
résiste; en vn mot, et luy et ceux qui l'assistent, sont
contraints de leuer le siège, voyant qu'il n'y a pas moyen
de les désvnir. Vous n'estes pas, graces à Dieu, en ces
extrémitez-là; mais, cependant, appliquez cet exemple à
vos affaires; et vous verrez qu'il n'y a guère de différence,
sinon qu'vn grand Roy leur faisoit la guerre sous le nom
d'vn Tyran, et pour un Tyran, et que les Tyrans vous la
font sous le nom d'vn Roy enfant et innocent. Faites
vous vn modèle de constance et de générosité sur ces
hommes-là; et apprenez que rien ne vous peut perdre si
vous les imitez. Souuenez-vous que quelques émotions
et diuisions qui soient arriuez entre le Sénat et le peuple,
pendant que cet excelent ordre s'est tenu estroitement
vny,
rien n'a pu ébranler l'État Romain, non pas mesme
la sédition des Gracches; mais dans la guerre ciuile entre
Sylla et Marius, les Sénateurs s'estans partagez, l'on vid
bientôt les testes voler, et les proscriptions en règne. César
n'auroit iamais entrepris de porter les armes contre sa
patrie, sans qu'il estoit asseuré de la fidélité des tri-
buns, et qu'il y auoit intelligence auec quelques Séna-
teurs; et ie puis dire que iamais les Ministres n'auroient
entrepris ce qu'ils ont fait sans l'intelligence qu'ils ont
ménagée auec partie de vostre Compagnie. Malheureux
intérests, qui portez les esprits à des aueuglemens si
estranges! Tel les réclame auiourd'huy qui en portera la

Malheur de la désvnion.

Moyens d'accomodemens in

le temps où nous

sommes.

peine! Et Dieu qui venge les crimes tost ou tard, permettra qu'eux ou leurs enfans subiront le ioug qu'ils peuuent secouer auec tant d'auantages. Qu'ils prennent garde qu'il ne leur arriue le mesme qu'à ceux des Romains que ie viens de dire, qui sans gouster le fruict qu'ils auoient espéré de leurs trahisons, furent enseuelis misérablement dans les diuisions ciuiles, dont ils estoient la cause. Messieurs, ces exemples vous doiuent faire appréhender, pensez y bien; et sçachez que si iamais vous auez à en parler hautement, c'est à présent, où il y va de vostre authorité, de l'honneur de vostre Compagnie, du salut de vos frères, de la liberté de vos Concitoyens, en vn mot, du repos de toute la France. Ce n'est pas à présent qu'il faut s'estudier à obliger les Ministres. Si vous l'auez fait par le passé, vous en estes loüables, parce que peut estre pressentiez-vous les maux qui sont arriuez; mais c'en est fait, le masque est tombé; et il est besoin auiourd'huy d'vne concorde et d'vne conspiration vnanime pour le bien public et pour la punition des meschans.

Véritablement il y a lieu de s'estonner qu'il y en ait compatibles auec encore entre vous qui proposent des voyes d'vne paix si des-auantageuse lorsque le peuple est le plus animé, et que vous voyez que toute la Noblesse qui n'a point d'attache d'intérest à la conseruation des Ministres, vous offre son courage et que toutes les Prouinces vous tendent les mains. Pleust à Dieu que tout fust bien pacifié! tous les gens de bien ont à le souhaiter; et il n'y a que les mauuais François qui demandent la continuation des désordres; mais s'il est permis d'argumenter de l'auenir par le passé, que peut-on espérer d'vn accomodement auec ces gens-là, sinon la désolation entière de toute la France? Vous sçauez, Messieurs, quelles paroles on vous

tint à la prise de Monsieur de Broussel. La Reyne vous remercia du bon ordre que vous auiez apporté à pacifier l'émotion des Bourgeois; elle en fit autant à Messieurs de la ville; et en vous rendant vos frères, elle protesta qu'elle tenoit en faueur tous vos procédés, et que bien loin de s'en ressentir, comme le simple vulgaire s'imaginoit, elle vous en auoit de très-sensibles obligations. Qui est-ce qui eust rien soupçonné de funeste en ces paroleslà, si la suitte ne nous l'auoit appris? Peu de temps après l'on fait déloger le Roy de Paris d'vn grand matin, sans tambours ny trompettes. Incontinent Paris est inuesty de toutes parts de gens de guerre; néanmoins parceque les Ministres trouuèrent qu'ils s'estoient mespris en leur calcul, et qu'ils n'auoient pas assez bien pris le temps d'exécuter leurs damnables desseins, vous y allastes; et ils entendirent à vos remontrances; et après plusieurs allées et venues ennuyeuses aux gens de bien, ils font enfin condescendre la Reyne à cette belle déclaration 1 qui deuoit servir de pierre fondamentale au gouuernement. Elle s'y porta, ce sembloit, sans réserue; les Princes y signent; tout le monde s'en réiouit; voila le Roy de retour à Paris auec toute sa cour; toute la ville goûte le calme après l'orage; enfin tout est en paix. Mais combien dure cela? autant qu'il en faut pour bloquer Paris et pour faire amasser des troupes de toutes parts, afin de faire périr en vn moment cette puissante ville. Pour en auoir suiet, on contreuient ouuertement aux principaux poincts de la Déclaration. Vous voilà aussitôt dans la défiance; et eux font prendre au Roy vne seconde fuite, vne heure après minuit, pour reuenir comme ils font les armes à

1 Du 22 octobre 1648.

1

Le Parlement ne doit point mettre bas les armes.

la main et vous contraindre de leur porter vos testes. Tout le monde est imbu de ce procédé; la foy publique y est violée; les droits diuins et humains sont renuersez; et nonobstant cela vous y enuoyez; la Ville y va; vous faites des remonstrances par escrit ; vous faites représenter de bouche; à tout cela la response est qu'il faut périr. Et après cela vous tenterez encor des voyes de douceur ? Pourquoy? est-ce pour prier les Ministres de vous pardonner? Vous deuez croire que si l'impuissance ne les en empesche, il n'y a point de pardon pour vous. Est-ce pour obuier au pillage de la France et à sa ruine totale? Au contraire, il n'y a point de guerre qui ne soit plus à souhaiter que la meilleure paix auec ces gens-là. Dieu sçait quel traittement ils luy feroient après auoir reconnu les bonnes inclinations qu'ont les peuples pour eux. Estce pour faire voir la iustice de vostre procédé, et les mettre entièrement dans le tort? Comme s'ils n'y estoient pas desia, et que la France ne sceust pas de quelle façon vous vous estes comportez.

Mais l'on me dira qu'il est bien raisonnable que le Parlement fasse le premier pas, que ce seroit réduire la Reyne à des submissions indignes de sa qualité que de la vouloir obliger à vous offrir la paix, et qu'il vaut mieux que vous en ayez l'affront, que non pas elle. Ie voudrois qu'il ne tînt qu'à des submissions de la France qui a les mesmes intérests que vous, que nous n'eussions vne véritable paix; mais comme il nous est permis de douter de la iustice de leurs procédés, ie prétends que vous deuez retenir vos armes, et que la Reyne doit commander à ses Ministres de mettre bas les leurs, qu'elle doit desboucher Paris et rendre la liberté du commerce, sans parler qu'elle vous liure l'autheur de ces désordres, auant que

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