ページの画像
PDF
ePub

finances, autheur de nouuelles Daces, l'on fut contraint de l'abandonner, et eut la teste tranchée aux Hales, auec vne Doloire, quoy qu'il eust fait bastir les Célestins et donné la grosse cloche de Nostre-Dame.

Mais à quoy bon chercher des Histoires anciennes, puisque nous voyons tous les iours par effet la haine que les peuples portent aux Partisans, n'y ayant presque point de Prouince ny de ville, en France où l'on n'en ait massacré quelqu'vn depuis trente ans?

Et ne sert de rien de dire que ceux qui l'ont fait, en ont esté punis, et que les Villes qui ont refusé d'obéyr aux ordres des Partisans supérieurs, ont esté traittez en ennemies par les gens de guerre qu'on y a enuoyez pour viure à discrétion, tesmoin la ville d'Angers l'an passé, il ne sert, dis-ie, rien de parler de la sorte. L'on ne peut pas vaincre les sentimens ny les volontés; tel voit vn exemple de chastiment deuant soy qui espère estre plus heureux dans le mesme crime, et le pouuoir éuiter. Ce sont des secrets qui se mesnagent en haut, et où nous n'y voyons rien.

Ie sçais bien qu'on peut encore repartir que quand les peuples se sont sousleuez, l'on a sçeu prendre le temps et les chastier à propos; que les vrais politiques dissimulent pour quelque temps, iusques à ce que cette lutte indomptable ait poussé son plus grand effort; que ce seroit ietter de l'huile dans le feu que de vouloir chastier vn peuple quand tout conspire à la révolte, mais qu'on luy cède quelque chose en apparence, pour luy serrer plus fortement après la bride et luy donner de l'esperon; que les Roys ne sont iamais chiches d'accorder à leurs suiets ce qu'ils veulent en cet estat là, parcequ'ils n'en tiennent rien s'ils ne veulent; si bien qu'après

Leçon au Roy.

tout les rébellions causent vn mal inéuitable à des subiets. Quand i'aduouerois tout cela, c'est présenter à des peuples animez vn mauuais miroir que de leur faire voir qu'il n'y a iamais eu de seureté à s'accomoder auec les Roys; car qui est ce qui ne voit pas que pour éuiter pareil chatiment, il n'y a rien qu'on ne fasse? Quand ce seroit auec la plus grande iniustice du monde qu'on détrosneroit les Roys légitimes, néanmoins cette considération ne touche point à l'esgal de la peine qu'on se représente qu'il faut souffrir; et l'on se iettera plustost entre les mains d'vn Barbare et d'vn ennemy que de s'accomoder auec vn Prince qui ne propose pour articles que des roues et des gibets; car au moins a t'on espérance d'vn plus fauorable traittement sous quelque autre que ce soit. La pluspart des réuolutions des Estats sont arriuées par là; et sans que i'appréhende d'abuser du temps et d'estre trop long, i'en marquerois assez pour preuue de mon dire.

[ocr errors]

Ie reuiens donc à ma proposition et dis que la Reyne deuroit faire lire et comprendre ces Histoires là au Roy son fils et le nourrir dans vn amour de ses subjets, au lieu de l'animer à la vengeance pour les Parisiens et tous ses autres fidèles Seruiteurs; car si les peuples, comme il est infaillible, ont connoissance de cette nourriture que diront-ils en eux-mesmes, s'ils ne le déclarent tout haut? Que peuuent-ils attendre de meilleur que par le passé ? Quoy, il y a trente ans qu'ils sont sous vne tyrannie, et ils en voyent trente autres qui viennent ou d'auantage, qu'il leur faudra estre encor pis? A quoy se doiuent ils résoudre? Les traicts de la nécessité sont cuisans ; et tel se voit obligé de faire ce qu'il n'auroit iamais pensé. C'est vn pernicieux conseil qu'on a donné

à la Reyne de lui faire risquer le tout pour le tout; elle commence à en voir la conséquence; elle n'a crû n'auoir que le Parlement de Paris en teste; elle luy fait la guerre; et ie ne sçay si elle n'a point affaire de luy auiourd'huy pour estre maintenue; et ie ne sçay s'il en pourroit venir à bout quand il l'entreprendroit. Elle a ietté le dé la première, et luy en suite; ils n'en sont plus maistres, ny I'vn ny l'autre. C'est à la fortune à iouër à son tour, ou plustost à Dieu à faire voir vn effet de sa souueraine puissance.

La Reyne ne doute pas, si on ne la flatte, que tout le monde la condamne; et si la voix du peuple est la voix de Dieu', qu'elle tire la conséquence. C'est vne des grandes marques qu'il y ait d'vn changement d'Estat, quand les peuples n'ont plus de respect ni de crainte pour leurs Souuerains, et quand ils les mettent au pis faire. Denis le Tyran voulut bien changer de baterie, quand on luy rapporta que ses subiets ne se soucioient plus de ses rages ny de ses tourmens; mais il n'en estoit plus temps; et il iugea bien qu'il estoit perdu, comme en effet; si tost que son ennemy se fust presenté vers Syracuse, tout le monde s'y retira comme à vn azyle, et luy fut abandonné misérablement, despouillé de son Estat et réduit à l'esclauage. Voilà ce qu'il faut représenter au Roy d'vn costé pour luy faire appréhender de mal traitter ses peuples, et de l'autre ces sainctes instructions que donne l'Empereur Théodose à son fils Honorius dans Claudian, où il apprendra en substance que

1 Un pamphlétaire a traité cette question er professo dans une pièce intitulée : Question: si la voix du peuple est la voix de Dieu [2951]; et un autre a écrit résolument Que la voix du peuple est la voix de Dieu, etc. [2943]. Voir aussi Remède aux malheurs de l'Estat de France, etc. [3270].

les armes ne mettent pas les couronnes à l'abry des coups de la fortune, mais bien l'amour des subiets; qu'vn Prince ne se peut faire aimer par force, et que le Diadesme qui ne subsiste que par les piques des gardes, est bien près de sa cheute; que celuy qui pense espouuanter les autres par le nombre de ses Satellites, craint plus qu'il n'est craint, et que pour estre en seureté, il vaut mieux faire le père et le citoyen que de faire voler les testes des Princes ou des Conseillers, qui peuuent faire ombrage.

Qui terret, plus ipse timet. Sors ista tyrannis
Conuenit; inuideant claris, fortesque trucident.
Tu ciuem patremque geras, tu consule cunctis.
Nec tibi, etc.

O que c'est vne pernicieuse Politique que de porter les Roys à faire tout ce qu'ils peuuent plustost que ce qu'ils doiuent, et que c'est mal connoistre les fondemens d'vne Monarchie Royale que de vouloir faire passer vne authorité sans bornes pour légitime!

Car outre que de cette façon il n'y auroit nulle différence entre vn Roy et un tyran, à prendre mesme le mot en sa plus odieuse signification, il est constant à quiconque l'examinera de près, que dès lors qu'vn Roy abuse du pouuoir que Dieu lui donne en cette qualité, et qu'il contreuient à son deuoir, il cesse d'estre Roy et les subiets d'estre subiets. La raison en est éuidente, mais mal-goustée par les Politiques du temps; à quoy pourtant ils n'ont point de repartie. La voicy: Quand les Roys viennent à la couronne, ils iurent sur les saincts Euangiles qu'ils maintiendront l'Église de Dieu à leur pouuoir; qu'ils obserueront les loix fondamentales de l'Estat, et qu'ils protégeront leurs subiets selon Dieu et

raison, ainsi que de bons Roys doiuent faire; et moyennant ce serment, les peuples sont obligez de leur obéyr comme à des Dieux sur terre; et le serment qu'ils en ont fait aux premiers Roys, dure encor à présent, à cause de la succession perpétuelle qui s'entretient en la France. L'vn et l'autre serment est respectif; et comme le Roy peut iustement faire punir par toutes les voyes d'vne iustice rigoureuse des subiets contreuenans à la promesse qu'ils ont faite de luy obéyr comme à leur légitime Monarque, dans tous les articles qui ne choquent point les trois fondamentaux que i'ay posé; de mesme les subiets sont-ils exempts de l'obéissance, quand les Roys violent leur serment; car s'ils renuersent les lois de l'Église, qui est le subiet qui leur obéyra, ou qui est obligé de leur obéir? C'est la grande question mesme du temps de Henry IIII; à quoy il ne put trouuer de solution qn'en se rendant catholique. S'ils contreuiennent aux loix fondamentales de l'Estat, comme s'ils prétendoient faire tomber le Royaume en quenouille, vendre et aliéner leur Domaine, les subiets sont exempts de leur en redonner vn autre, et de leur obéyr en l'autre point. Tout cela est sans difficulté ; et il faut conclure qu'il en va de mesme pour la troisiesme circonstance du serment, que si les Roys ne protégent leurs subiets selon le droict et la raison, conformément aux Lois de Dieu et aux Ordonnances des Estats que les Cours souueraines sont obligez de faire exécuter, comme les ayant en dépost, les subiets sont exempts de l'obéyssance; et bien d'auantage, s'ils sont opprimez iniustement et auec vne violence tyrannique, qui ne peut compastir auec la Monarchie Royale, où les subiets ne s'obligent aux Roys que pour en estre protégez contre ceux qui pourroient troubler

« 前へ次へ »