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se départirent de Paris et s'en alèrent chascun en leur pays pour iceulx visiter. Et pareillement icellui duc de Bourgongne, et s'en ala aux nopces de Phelippe, conte de Nevers, son frère. Lequel print à femme la damoiselle de Coucy, fille de sire Enguerran de Coucy, jadis seigneur et conte de Soissons, et niepce de par sa mère, du duc de Lorraine et du conte de Vaudemont'. Lesquelles nopces se firent à Soissons, et y estoient, la duchesse de Lorraine et la contesse de Vaudemont, venues de leur pays pour compaigner et honnourer la dame de Coucy et sa fille. Et si fut ce mariage fait et la feste solemnizée moult haultement, par ung jour de Saint George, et dura trois jours ensuivans. Et après iceulx jours passez, le duc de Bourgongne se parti et s'en ala en son pays de Bourgongne, en sa compaignie le conte de Penthièvre son beau filz. Et tost après, ledit conte de Nevers, avecques ladicte duchesse de Lorraine et la comtesse de Vaudemont, emmena sa femme en la conté de Réthel, elle fut receue moult joieusement.

Durant lequel temps, le duc de Bourbon fut défié de sire Amé de Viry, savoyen, lequel estoit ung povre chevalier au regard dudit duc. Mais ce non obstant, lui fist-il plusieurs dommages par feu et par espée, ou pays de Bresse et de Beaujolois. Pour lesquelz dom

1. Philippe de Bourgogne, comte de Nevers, frère de Jean sans Peur, épousa, le 9 avril 1409, Isabelle de Couci, comtesse de Soissons, fille puînée d'Enguerran VII, baron de Couci, et

d'Isabelle de Lorraine.

2. Olivier de Blois, comte de Penthièvre, avait épousé, l'an 1404, Isabelle, quatrième fille de Jean sans Peur.

3. Louis II, dit le Bon, grand oncle maternel de Charles VI.

mages, icellui duc le print en grant indignacion, et assembla très grant nombre de gens d'armes et gens de trait pour le punir et subjuguer. Si envoya devant, le conte de Clermont son filz', et assez tost après le suivy. Et en sa compaignie estoient le conte de La Marche et de Vendosme, le seigneur de Labreth, connestable de France, Loys de Bavière, frère de la royne de France, Montagu, grant-maistre d'ostel du Roy, le seigneur de La Heuze et plusieurs autres grans seigneurs, qui tous ensemble tirèrent ou pays de Beaujolois, à tout grande puissance. Mais, devant la venue dudit duc de Bourbon, icellui Amé de Viri, son adversaire, fut adverti de ladicte puissance qui venoit contre lui. Si n'osa actendre la venue dudit duc, car il n'avoit point d'espérance de povoir tenir contre lui les chasteaulx qu'il avoit prins. Et pour tant, s'en parti et s'en ala en une ville qu'on appelle Le Bourc en Bresse, appartenant au conte de Savoie, son seigneur. Lequel conte de Savoie ne le voult point garantir contre ledit duc de Bourbon son grant oncle', ains en fist présent à icellui duc, par telle condicion que ledit Amé lui amenderoit à son povoir ce qu'il lui avoit mesfait, et se rendroit en ses prisons tant qu'il seroit content de tous les frais et dommages qu'il avoit euz

1. Jean, comte de Clermont en Beauvoisis, qui devint duc de Bourbon, à la mort de son père, en 1410.

2. Jacques II de Bourbon, comte de La Marche par son père, et comte de Vendôme par sa mère, oncle du duc de Bourbon.

3. Amédée VIII, dit le Pacifique. Il avait épousé, le 30 octobre 1393, Marie, fille de Philippe le Hardi, duc de Bourgogne. Ce fut en sa faveur que l'empereur Sigismond érigea la Savoie en duché, l'an 1416.

à l'occasion dessusdicte, sauf qu'il ne lui feroit desplaisir en corps ne en membres. Ainsi le receut ledit duc de Bourbon, lequel remercia très grandement sondit nepveu. Et pour ceste cause, une dissencion qui estoit esmeue entre eulx, fut appaisée. Car ledit de Savoie disoit que son grant oncle de Bourbon lui devoit faire hommage à cause de sa terre de Beaujolois, laquelle chose il ne vouloit point faire, mais la question fut mise par eulx deux ensemble en la voulenté et ordonnance du duc de Berry. Après lesquelles besongues concluses, ledit duc de Bourbon s'en retourna en France et donna congié à toutes ses gens d'armes. Et depuis par certain moien que ledit de Viri eut avecques ledit duc, il fut délivré1.

CHAPITRE LII.

Comment deux champs de bataille furent promeuz à faire à Paris en la présence du Roy. De l'arcevesque de Reims qui fut occis. Et du concile de Pise.

Item, environ l'Ascension', Charles, roy de France, qui avoit esté longue espace malade, revint en santé, et tantost après les ducs de Bourgongne et de Bourbon

1. Pour cette expédition, voyez le récit beaucoup plus circonstancié et plus instructif du Religieux de Saint-Denis. (Chr. de Ch. VI, t. IV, p. 240.) A la fin de ce chapitre, le ms Suppl. fr. 93, fol. 94 v ajoute: « A laquelle assemblée et pour y aller Waleran, conte de Saint-Pol, mist sus très grosse armée. Mais en passant parmy Paris lui fu ordonné de par le Roy qu'il n'alast plus avant, mais s'en retournast ès frontières de Boulenoys, où il estoit espécialement commis de par le Roy. » Addition qui se trouve aussi dans Vérard et dans l'édit. de 1572.

2. En 1409 l'Ascension tomba le 23 mai.

et plusieurs autres grans seigneurs retournèrent à Paris. Ou quel temps furent faiz deux champs de bataille en la place Saint-Martin des Champs, présent le Roy et les seigneurs dessusdiz. C'estassavoir le premier d'un gentilhomme et chevalier breton, nommé sire Guillaume Bariller contre ung Anglois, nommé messire Jehan Carnicon, et fut pour cause de foy mentie l'un à l'autre. Et après qu'ilz furent mis ensemble et que Montjoye, roy d'armes, eut fait et publié les cris et défenses acoustumées et aussi qu'il eut déclairé qu'ilz feissent leur devoir, ledit messire Guillaume qui estoit appellant, yssi premier de son paveillon et commença à marcher moult fièrement contre son adversaire, lequel pareillement vint contre lui, et quant ilz eurent gecté leurs lances l'un contre l'autre sans eulx entre actaindre, ilz commencèrent à combatre de leurs espées, et en ce faisant ledit Anglois fut ung petit navré par dessoubz ses lames', et tantost le Roy les fist cesser. Et depuis furent remenez très honnourablement à leurs hostelz. Et yssirent du champ aussitost l'un que l'autre.

L'autre champ, si fut du sénéchal de Haynnau à l'encontre de messire Jehan de Cornouaille, Anglois, chevalier de grant renom, lequel avoit lors espousée la seur du roy d'Angleterre. Et estoient lors icelles armes entreprinses à faire par lesdiz deux chevaliers devant le duc de Bourgongne, à Lisle, tant seulement pour monstrer leur proesse, à courir certains cops de lance l'un contre l'autre et aussi à faire aucuns cops de haches et d'espées. Mais quant ledit duc de Bourgongne eut fait préparer le champ où ce se devoit

1. Par-dessous les lames de fer qui formaient sa cotte d'armes.

acomplir, les deux champions dessusdiz furent mandez à Paris à aler devers le Roy pour parfurnir leur entreprinse. Et là, après les ordonnances faictes et le jour venu, ledit de Cornouaille entra premier ou champ moult pompeusement, chevauchant sur son destrier jusques à ce qu'il vint devant le Roy, lequel il inclina et salua moult humblement. Et estoient après lui six petis pages sur destriers, desquelz les deux plus prouchains de lui estoient couvers d'ermines, et les quatre ensuivans avoient couvertures de drap d'or, et après qu'il fut entré ès lices, lesdiz pages se partirent du champ. Et tantost après vint ledit séneschal, acompaigné du duc Anthoine de Brabant et de Phelippe, conte de Nevers, frères, estans à pié, et tenoient le frain de son cheval, l'un à dextre et l'autre à senestre, et le conte de Clermont portoit sa hache, et le conte de Pointièvre1 portoit sa lance. Et après ce qu'il fut entré ou champ et qu'il eut fait la révérence au Roy comme avoit fait ledit de Cornouaille, ilz se préparèrent tous deux pour aler jouster de fers esmoulus l'un contre l'autre. Mais devant qu'ilz s'esmurent à courre, il fut crié de par le Roy qu'ilz cessassent et n'alassent plus avant en faisant icelles armes, et que nul, sur peine capitale, dores en avant en tout son royaume n'appellast aucun en champ sans cause raisonnable. Et depuis, quant le Roy eut grandement festié et honnoré à sa court les deux chevaliers dessusdiz, ilz se départirent et s'en alèrent eulx deux, comme on disoit, en Angleterre, en entencion de parfurnir et acomplir leurs armes.

1. Penthièvre.

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