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Soudain partent des cris de rage et de terreur; Le combat se rallume avec plus de fureur; Troyens, Arcadiens, Toscans, tout se rassemble; Hardis par cette mort, tous s'élancent ensemble.

Et cependant Opis, du haut des monts voisins, Tranquille, regardoit ces combats inhumains; Tout à coup, à l'entour de Camille expirante, Elle voit s'agiter une jeunesse ardente, Et son cœur affligé laisse échapper ces mots: « Ornement de ton sexe! exemple des héros! » Que t'a servi d'avoir au tumulte des villes. » Préféré ta déesse et ses forêts tranquilles? » Et de quoi t'ont servi mes inutiles traits? » Mais, si j'en crois mon cœur, ta gloire et mes regre » Ton nom, que pour jamais signala ta vaillance, » Ne sera pas sans lustre, et ta mort sans vengeanc >> Le sort l'a résolu: son téméraire auteur » En recevra le prix. » Il est une hauteur Où l'yeuse, croissant sur sa terre isolée, Couvre d'un roi latin l'antique mausolée: Là vient s'abattre Opis méditant son dessein, Et de là de Camille observe l'assassin. A peine elle apperçoit l'auteur de sa blessure, Tout fier de sa victoire et vain de son armure: « Où vas-tu? lui dit-elle: approche, malheureux! >> Viens recevoir le prix de ton triomphe affreux;

» Viens, et meurs à ton tour des flèches de Diane;
» Je les plains de tremper dans un sang si profane. »
Elle dit, du carquois tire le trait fatal,

Le place, tend son arc; et d'un effort égal
Chacune de ses mains remplit son ministère;
La gauche entre ses doigts tient la flèche légère;
L'autre mène la corde; et, lents à s'approcher,
Les bouts obéissans sont prêts à se toucher.
Aussitôt vers Aruns le trait divin s'échappe,
Et le bruit et le fer en même temps le frappe.
Nul ne plaint son trépas; et, sans être honoré,
Sur des bords inconnus son corps gît ignoré.
La nymphe pour les cieux quitte aussitôt la terre,
Et remet au hasard les succès de la guerre.

A peine de Camille on a su le trépas,

Un même effroi saisit les chefs et les soldats :
Son bataillon léger, vainqueur sous sa conduite,
Mais vaincu par sa mort, le premier prend la fuite.
Atinas même fuit; et de ses vétérans

Un tumulte confus désordonne les rangs.
Bataillons, escadrons, et cohorte et phalange
De vingt peuples tremblans vaste et confus mélange,
Dans les champs d'alentour dispersent leurs débris,
Et des lieux les plus sûrs vont chercher les abris.
Le carquois charge en vain leurs épaules craintives;
Leurs ares sont détendus, et leurs flèches oisives.

Tout cède des coursiers épouvantés comme eux
Les pas retentissans battent les champs poudreux,
Et vers la ville enfin, leur unique ressource,
Dans des flots de poussière ils dirigent leur course;
Les femmes, en voyant revenir ces débris,
Poussent des cris affreux, frappent leurs seins meurtris:
L'ennemi les poursuit, et jusque sous leurs portes
Atteint ceux dont les murs reçoivent les cohortes.
Malheureux, au trépas ils pensoient échapper;
Sur le seuil paternel, la mort vient les frapper:
Quelques-uns sont percés à l'aspect de leurs Lares;
D'autres, que le péril, que l'effroi rend barbares,
Referment leur asile; et leurs tristes amis
En vain les bras tendus demandent d'être admis:
On repousse sur eux la porte impitoyable.
Alors se renouvelle un carnage effroyable

De ceux qui de leurs murs tentent en vain l'abord,
Et des concitoyens qui leur donnent la mort :
Plusieurs, qu'exclut, hélas ! l'enceinte desirée,
Aux yeux de leurs parens,
de leur mère éplorée,
Puor fuir les ennemis choisissant le trépas,
Dans les fossés profonds précipitent leurs pas;
Cet autre, aiguillonnant le coursier qui l'emporte,
Frappe à coups redoublés l'inexorable porte.

Mais de Camille à peine on distingue le corps:
On redouble de crainte et de zèle et d'efforts;

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Les femmes même alors deviennent intrépides,
Le fer étincelant charge leurs mains timides;
Et de longs pieux, armant leur courage indompté,
Ont du fer dans la flamme acquis la dureté;
Chacune d'un héros a pris l'ame guerrière,
Et veut pour sa patrie expirer la première.
Cependant à Turnus de ces revers affreux
Acca vient apporter le récit désastreux:
Les Latins sont vaincus, Camille est expirée,
Aux Troyens triomphans l'Ausonie est livrée;
Tout fuit, tout a subi leur rapide fureur,
Et jusque dans Laurente a volé la terreur.
Le héros furieux ( le ciel ainsi l'ordonne)
Frémit de ce désastre, il part, il abandonne
Les gorges, les forêts qu'occupent ses soldats.
Le Troyen à son tour précipite ses pas;
Après avoir franchi les bois et les montagnes,
De leurs sombres hauteurs descend dans les campagnes.
Ainsi se rapprochant, ces deux fameux rivaux,
Vers les murs laurentins marchent à pas égaux;
L'un pour les attaquer, l'autre pour les défendre.
Énée, en avançant, au loin a vu s'étendre
Les escadrons latins et leurs fiers bataillons,
De torrens de poussière inondant les sillons:
De Turnus à son tour la surprise est pareille;
Déjà de toutes parts arrive à son oreille

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Le bruit des escadrons précipitant leurs pas;
C'est l'intrépide Énée avançant aux combats;
Et peut-être à l'instant au pied de ces murailles
Tous deux auroient tenté le destin des batailles,
Si Phébus, déposant ses rayons amortis,
N'avoit plongé son char dans les flots de Thétis.
Tous deux veillent campés sous les murs de la ville,
Et cette nuit du moins leur fureur est tranquille.

FIN DU ONZILME LIVRE.

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