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On restablit à sa prière le Président de Maisons dans la charge de Sur Intendant des Finances, parce qu'il l'a exercée auec tant de suffisance et de probité qu'il a réparé en peu de temps les bresches que ses grandes pertes au ieu et les immenses dépenses de sa royalle maison de Maisons auoient faites en son bien.

On donne en sa faueur vne grande somme au Président Viole, parce qu'il a esté Frondeur enragé dans Paris, Chef du Conseil des factieux endiablez de Bourdeaux et Sur Intendant des Finances pillées et rauies à force ouuerte dans les receptes du Roy.

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Et on luy accorde encore d'autres conditions non moins honteuses, et mesme pour des femmes, que rois honte de rapporter.

Cela se peut il nommer vn accommodement de Monsieur le Prince auec le Roy? Et ne seroit ce pas plus tost vn véritable partage de l'Estat entre le Roy et Monsieur le Prince, puisqu'il deviendroit par ce moyen Duc de Guyenne, Comte de Prouence, maistre non seulement des places qu'il tient dèsià, mais de toutes celles qu'il feroit conseruer à ceux qui ont mérité par leur dés-obéissance de les perdre auec la vie; Distributeur des Gouuernemens de Prouinces, des Duchez et Pairies, des Offices de la Couronne et de tant de charges importantes; Egallement puissant sur la terre et sur la mer; En pouuoir de se vanger de ceux de toutes ces grandes prouinces sur lesquelles s'estendroit sa domination, qui n'ont pas suiuy son party; et en estat de recommencer quand il luy plairoit, sous le mesme prétexte du Cardinal ou sur quelqu'autre, vne nouuelle réuolte auec d'autant plus d'aduantage que cet exemple mille fois plus pernicieux qu'on ne sçauroit croire, de donner à l'infidélité et au

démérite les récompenses qui ne sont deues qu'à la fidélité et au mérite, attireroit à luy tous les meschans dont le nombre n'est que trop grand dans vn siècle aussy corrompu que le nostre, et décourageroit tous les gens de bien; ce qui le rendroit si formidable par luy mesme qu'y ioignant encore le secours qu'il pourroit tirer des Espagnols, ses fidelles alliez, qui après auoir esprouué que l'vnion de nos forces a porté leur Monarchie iusques sur le bord du précipice, ne perdront iamais d'occasion de nous ruiner en nous diuisant, on pourroit dire auec vérité qu'il n'y auroit pas seulement vn Roy en France, mais qu'il y en auroit deux, dont cet vsurpateur et ce Tyran qui régneroit au delà de la riuière de Loire, pourroit exciter à toute heure vne nouuelle guerre au Roy légitime et allumer dans tout le reste de ses Prouinces vn feu semblable à celuy qui embrase maintenant Paris et qu'il entretient et qu'il augmente auec tant de soin pour faire tourner les choses au poinct qu'il désire.

Le remède à vn mal si redoutable et dont la scule pensée donne de l'horreur à ceux qui n'ont pas perdu auec le iugement l'amour de leur propre salut et de leur patrie, estant d'esloigner de bonne foy et pour iamais le Cardinal, puisque cela estant, Monsieur le Prince ne sçauroit prétendre que l'abolition du crime qu'il a commis par sa réuolte, et que leurs maiestez seront receues dans Paris et dans toutes les autres villes du Royaume, non seulement auec les respects qui leur sont deus, mais auec des larmes de ioye et tous les applaudissemens imaginables, seroit il bien possible que la Reyne par vn aueuglement prodigieux et en se laissant flatter à ces personnes qui ne se soucient pas que tout se perde

pourueu qu'ils trouuent dans la ruine publique l'establissement de leur fortune particulière, voulust pour retenir le Cardinal, abandonner les intérests du Roy son fils, abandonner les intérests de la France, abandonner les siens propres ? Seroit il bien possible qu'elle voulust que le Roy luy reprochast à l'auenir, que toute la France luy reprochast à jamais et qu'elle se reprochast vn iour deuant Dieu elle mesme à elle mesme d'auoir par vne fausse générosité fait vne telle brèche à la Couronne de son fils par le conseil qu'elle luy auroit donné de se rendre inflexible à l'esloignement de ce Ministre si ardamment souhaité de tous ses peuples?

Au nom de Dieu, MADAME, laissez vous toucher à nos vœux, comme il s'est laissé toucher aux vostres en nous donnant ce grand Prince par vne espèce de miracle lorsque nous n'osions plus nous le promettre. Considérez, ie vous supplie, mais auec les sentimens d'vne Reyne très Chrestienne comme vous l'estes, auec les sentimens d'vne Reyne qui fait profession de piété comme vous faites, auec les sentimens qu'auroit eu sans doute la Reyne Blanche si elle se fust trouuée dans vne semblable rencontre, considérez, s'il vous plaist, la résolution que vous deuez prendre dans cette importante affaire qui arreste maintenant sur Vostre Maiesté les yeux de toute l'Europe. Il n'y a, MADAME, que l'vn de ces deux aduis à prendre : ou de conseruer le Cardinal, soit en ne permettant pas qu'il s'en aille, soit, s'il se retire, en le rappellant dans le temps dont on conuiendra auec les Princes, auquel cas on tombera inéuitablement dans les inconuéniens que i'ay remarquez; ou de l'esloigner pour tousiours et de bonne foy, auquel cas le Roy fera tomber les armes des mains des Princes, conseruera son Estat en son entier,

restablira glorieusement son authorité, gagnera le cœur de tous ses suiets, redonnera le calme à son Royaume et contraindra l'Espagne de consentir à vne paix qui estant iuste, ne sçauroit pas n'estre point auantageuse à la France. l'ose croire, MADAME, que s'il plaist à V. M. d'examiner cela deuant Dieu auec la response que i'ay rendue à ce qu'on luy allègue du feu Roy d'Angleterre touchant le Comte de Stratfort, elle ne iugera pas qu'il y ait lieu de délibérer à préférer tant de biens à tant de maux.

Et vous, SIRE, qui auez ce merueilleux aduantage qu'au milieu de tant de souffrances qui réduisent vos peuples au désespoir et tirent des larmes de sang du cœur de tous les véritables François, non seulement on n'accuse vostre Maiesté de rien, mais on considère son innocence comme l'ancre sacrée qui nous reste et qui peut nous garantir du naufrage, faites que nos espérances ne soient pas vaines. Nous vous regardons, SIRE, comme vn Roy donné du Ciel pour le bonheur de la France; agissez comme vn Roy qui seroit descendu du Ciel. Nous vous regardons comme le successeur de saint Louis; agissez comme vn autre saint Louis. Rendez à Dieu ce que vous deuez à Dieu, en exterminant les impiétez et les crimes abominables qui ont contraint sa iustice d'appesantir sa main par les fléaux qui nous accablent. Rendez à la Reyne vostre Mère en qualité de fils ce que Dieu vous oblige de luy rendre; et réunissez à vous par vostre bonté et par vn oubly du passé toute la maison Royale. Rendez à vos peuples ce que vous leur deuez, non seulement en qualité de Roy, mais de père, puisque les suiets d'vn Roy très Chrestien ne sont pas seulement ses suiets, mais ses enfans. Choisissez

pour

Ministres les plus grands personnages et les plus vertueux de vostre Estat. Que le seul nom de Fauory vous soit en horreur par le souuenir de tant de maux que ceux qui ont remply ces places fatales aux Monarques et aux Monarchies, ont causez à vostre Royaume. Faites refleurir la Iustice. Restablissez la discipline militaire. Réglez les désordres des Finances. Bannissez le luxe. Enrichissez vos Prouinces par l'augmentation du commerce sur la mer et sur la terre. Et faites auec l'assistance de Dieu que par vn changement miraculeux et digne du fils aisné de l'Église on voie succéder la piété à l'impiété, l'vnion à la diuision, la Iustice à l'iniustice, la discipline à la licence, l'ordre au désordre, la modestie au luxe, l'abondance à la nécessité et enfin vn siècle d'or à l'vn des plus malheureux siècles qui fut iamais.

Mais, SIRE, vn si grand ouurage ne peut s'accomplir que dans le calme; ce calme ne peut arriuer que par la paix générale; cette paix générale ne se peut faire qu'en suitte d'vne paix domestique ferme et asseurée; cette paix domestique ne peut estre ferme et asseurée que par l'esloignement du Cardinal; et cet esloignement ne dépend que d'vne seule parole de vostre Maiesté. Ainsi, SIRE, si iamais Roy a pu faire voir qu'il est l'image viuante de Dieu, vostre Maiesté le peut faire maintenant, puisque comme Dieu en créant le monde tira par vne seule parole la lumière des ténèbres et l'ordre qui reluit dans tout l'vniuers, de la confusion du cahos, vostre Maiesté peut par vne seule parole faire esclater le iour dans cette nuict funeste qui nous enuironne, et changer de telle sorte la face des choses que nous croirons estre dans vn nouueau monde. Seroit-il bien possible, SIRE, quand mesme la Reyne vostre Mère trompée par les dé

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