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Outre ces raisons généralles, les villes Capitalles des Prouinces en ont eu de particulières pour se constituer cette loy. Elles ont iugé que les autres villes du pays, se formant à leur modèle, suiuroient leur exemple; ce qui entretiendroit vne vnion parfaite entr'elles pour leur bien commun. En second lieu, elles ont veu qu'estant obligées de veiller non seulement à leur deffense et salut, mais aussi à celuy de toute la Prouince, à cause de l'estroite liaison qu'il y auoit de leurs intérests auec ceux des autres villes du Territoire, ayant des Magistrats de la qualité requise, ils soustiendroient non seulement leur cause, mais celle de toute la Prouince. C'est par ces raisons que la ville de Paris, Capitalle du Royaume, pardessus toutes les autres villes, a voulu auoir ce droict par prérogatiue. Mais si les villes ont eu de puissantes considérations pour establir ce droict d'élection, elles en ont eu de plus puissantes pour le conseruer et s'y maintenir, principalement sous le Règne de nos derniers Roys, pendant lequel les Ministres ont vsurpé l'authorité Royalle, dans la crainte qu'elles ont eu qu'ils n'entreprissent sur cette liberté. En effet, mesurant leurs passions par la puissance de leurs Maistres, ils ont attaqué ce droict d'élection et violenté les villes en plusieurs Prouinces, mesme la ville de Paris, dans le choix de leurs Officiers; et, quoy qu'elles aient inutilement résisté à cette force maieure, néantmoins elles n'ont iamais abandonné cet aduantage; et les Prouinces de Prouence et Guyenne n'ont laissé passer aucune occasion de réclamer contre cette vsurpation.

Les peuples n'ont pas esté trompez dans les espérances qu'ils auoient conceues de ce droict d'élection; car, pendant le temps que les villes en ont iouy, elles n'ont

souffert aucune diminution dans leurs priuiléges; et la puissance redoutable du Ministère n'a point eu d'entrée dans leurs murailles. L'authorité des Ministres, leurs promesses ny leurs menaces et la corruption du monopole n'ont pu ébranler le courage ny corrompre l'intégrité de ceux auxquels les libres suffrages des peuples ont donné ces charges publiques, comme nous en auons la preuue dans nos Histoires. Tout au contraire, aussitost que les Ministres se sont ingérez de mettre dans ces places des personnes à leur déuotion, elles ont receu de grandes pertes en leurs priuiléges et esté exposées aux passions des fauoris et brigandage du monopole. La raison de cette différence est que les villes, pendant le temps qu'elles ont esté en possession de ce droict, ont tousiours choisi pour leurs Magistrats les plus gens de bien et les mieux intentionnez de leurs Citoyens, de sorte que leur choix a esté la marque de leur vertu. Et les Ministres, au contraire, comme ils ne subsistent que par la violence et ne s'agrandissent que dans l'oppression des peuples, ils ont rempli ces charges de personnes corrompues de leur faction et caballe; de sorte que leur establissement a esté le signe de leur corruption.

La ville de Paris a éprouué plus que pas vne autre cette vérité. Lorsque la charge de Préuost des Marchands a esté dans la disposition des Bourgeois de la ville, elle est demeurée florissante dans l'obseruation de ses priuiléges et immunitez; et le monopole n'y a pu introduire aucun droict sur son commerce et ses denrées. Mais depuis qu'elle est tombée dans le pouuoir du Ministère, principalement depuis celuy du deffunct Cardinal de Richelieu, on a donné atteinte à ses priuiléges et immuni– tez; la corruption et le monopole y ont régné absolu

ment; et la police a esté négligée et abandonnée. Premièrement, non seulement la contagion du Ministère a attaqué le Chef des Officiers de cette ville, mais tout le Corps. Les élections des Escheuins et des autres Officiers n'ont plus esté que des pratiques contre les bonnes mœurs; et on n'a plus veu ces charges remplies de l'élite des gens de bien, comme auparauant. Pour ce qui est de la violence, c'est dans cette ville que les trois tirans, les deffuncts Mareschal d'Ancre et C. de Richelieu et présentement le Cardinal Mazarin, ont fait arrester les Princes du Sang et les plus grands du Royaume; c'est dans cette mesme ville, en laquelle la seureté publique doit estre toute entière pour les Prouinciaux qui s'y rendent pour leurs affaires et commerce, qu'ils ont esté violemment emprisonnez par les émissaires des Partizans pour des taxes solidaires. Le monopole n'y a pas moins fait de rauages que la violence. On ne s'est pas contenté d'augmenter les anciens droicts d'entrée sur toutes les marchandises; on en a estably de nouueaux. Les denrées qui auoient esté iusques à présent exemptes de la maltote, y ont esté suiètes; on a érigé en tittre d'Office fermé les menus Offices de la police qui auoient tousiours esté en la main et à la nomination du Préuost des Marchands, auec attribution de nouueaux droicts sur le public; et on en a créé de nouueaux auxquels on a accordé les mesmes droicts. Bien daduantage, la ville de Paris a esté plus mal traittée que celles qui payent la taille. On a veu ses Bourgeois liurez à la haine, rage et malice des Partizans par des taxes d'aisez qu'ils ont fait payer auec des rigueurs et cruautez insupportables, comprenant dans leurs roolles non seulement ceux qui en estoient capables, mais beaucoup d'autres, comme leurs

ennemys pour s'en venger, ou gens de bien pour les opprimer. Ce n'a pas esté assez de violer les priuiléges de cette ville, d'imposer de nouuelles charges sur les denrées et marchandises à la foule du public, d'obliger les Prouinciaux, ceux qui y estoient présens, d'en sortir, et les autres de n'y pas venir, soit pour éuiter leur emprisonnement, soit pour ne pouuoir supporter la chèreté des viures et des autres choses nécessaires à la vie, on a encore entrepris de rauir aux Bourgeois de cette ville le meilleur de leur bien. Le monopole, par la lascheté des Officiers de la Ville, a impunément retranché des quartiers de rentes sur toutes sorte de nature, et de ceux desquels on a mis le fond entre les mains des payeurs. Ces payeurs, ou plustost voleurs des rentes, par leur artifice et malice, n'en ont payé qu'vne partie, et ce auec les plus mauuaises espèces qu'ils ont peu trouuer, comme si ces deniers estoient à eux et qu'ils en fissent vne aumosne charitable aux Rentiers. Les Rentiers qui se sont plaints de ces maluersations, n'ont pas eu raison; ou, s'ils en ont eu aucune, ç'a esté auec de si grandes longueurs et auec peu de profit qu'ils ont perdu l'enuie de faire plus aucune poursuitte; ce qui marque quelque intelligence secrète et criminelle qu'ils ont eu auec eux pour la ruine des rentes ; et on sçait ce qu'elles seroient deuenues si on n'eust point estably des scindicqs pour leur conseruation'; en quoy ces Officiers sont d'autant plus coupables que toute la France a intérest au payement des rentes et s'en repose sur leurs soings et intégrité, ayant esté préposez pour veiller à leur seureté et payement. Le manque de

si

1

Moyens très-importants et nécessaires pour réformer l'abus........ du payement des rentes de l'Hôtel de Ville, etc. [2520]. Liste de MM. les députés.... sur le fait des rentes, etc. [2308].

police a fait autant de préiudice que le monopole. Les taxes pour le prix du bois, charbon et autres marchandises et denrées qui arriuent par eau, n'ont point esté obseruées par la conscience de ces Officiers. Les Marchands de bois et de charbons et autres ont exigé publiquement, en la présence des Officiers de la police des Bourgeois, de plus grandes sommes qu'ils ne doiuent prendre par les Règlemens; et les Officiers de police, desquels le deuoir est de tenir la main à l'exécution d'iceux, au lieu de s'en acquitter, ils ont pris eux mesmes des droicts qui ne leur sont pas deubs, par des voyes rigoureuses. L'Hostel de ville a sceu et cognu ce brigandage et l'a toléré; et si on s'en est plaint et qu'on luy ait demandé iustice de ces voleries, les longueurs et la difficulté qu'il a apportées à la rendre, sont cause qu'on a mieux aimé laisser cette exaction entre les mains de ces voleurs que d'en poursuiure la restitution. Tous ces maux et désordres ne seroient pas arriuez si la ville de Paris fust demeurée en sa liberté de s'eslire vn Préuost des Marchands; car cette charge n'estant plus dans sa dépendance, mais dans celle des Ministres, ceux qui y sont mis de leur main pour estre continuez dans cet employ, les deux ans passez, suiuent aueuglément leurs passions; de sorte que leur continuation n'est plus la récompense des seruices qu'ils ont rendus à la chose publique, mais à ces Ministres.

Ces raisons vous doiuent exciter, braues et illustres Citoyens et Bourgeois de la ville de Paris, descendus du Sang de ces généreux Francs qui n'ont rien tant chéri au monde que leur liberté, de vous conseruer vn ancien droict de liberté naturelle dans lequel vous estes rentrez. C'est pour cette querelle iuste et légitime que vous deuez

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