L'affermit, le soutient, l'enchaîne ; et dans son cœur L'indomtable destin met toute sa rigueur.
Ainsi, des aquilons ligués contre un vieux chêne Lorsque sur l'Apennin le courroux se déchaîne, Ils s'élancent ensemble, ils sifflent, l'air frémit; De ses rameaux courbés sous son tronc qui gémit, Les feuillages épars jonchent en vain la terre; Lui, ferme sur son roc, triomphe de leur guerre, Soutient pompeusement sa tête dans les airs, Et plonge sa racine au gouffre des enfers: Tel étoit le héros; son ame courageuse Soutient de mille assauts la tempête orageuse : Les larmes, les sanglots le poursuivent en vain; Il gémit sur Didon, il pleure son destin; Il pleure, mais son cœur demeure inébranlable. Alors Didon frémit du malheur qui l'accable, Et sent le désespoir succéder à l'amour : Elle implore la mort, elle est lasse du jour. Nourrissant le projet que sa fureur enfante, Cent présages affreux la glacent d'épouvante, Elle voit, en offrant ses dons aux immortels, Le lait en noirs ruisseaux couler sur les autels; Elle voit d'un vin pur les liquides offrandes Ensanglanter leur marbre et souiller leurs guirlandes. Seule elle a remarqué ces présages d'horreur, Et son muet effroi les tait même à sa sœur. C'est peu dans son palais, sa tendresse fidèle Fit bâtir pour Sichée un temple que son zèle
Velleribus niveis et festå fronde revinctum :
Hinc exaudiri voces et verba vocantis
Visa viri, nox cùm terras obscura teneret; Solaque culminibus ferali carmine bubo Sæpè queri, et longas in fletum ducere voces. Multaque præterea vatum prædicta piorum Terribili monitu horrificant. Agit ipse furentem In somnis ferus Æneas : semperque relinqui (5o Sola sibi, semper longam incomitata videtur Ire viam, et Tyrios desertâ quærere terrâ. Eumenidum veluti demens videt agmina Pentheus, Et solem geminum, et duplices se ostendere Thebas: Aut Agamemnonius scenis agitatus Orestes, Armatam facibus matrem et serpentibus atris Cùm fugit, ultricesque sedent in limine Diræ.
Ergo ubi concepit furias evicta dolore, Decrevitque mori, tempus secum ipsa modumque Exigit, et, moestam dictis aggressa sororem, Consilium vultu tegit, ac spem fronte serenat : Inveni, germana, viam (gratare sorori)
Quæ mihi reddat eum, vel eo me solvat amantem.
Entouroit de festons, embellissoit de fleurs: De là sortoient, la nuit, de lugubres clameurs; Là, d'un cri lamentable elle pense l'entendre Au fond de son tombeau l'inviter à descendre. Tantôt l'affreux hibou, seul au sommet des toits, Traîne en accens plaintifs son effrayante voix. Tantôt à son esprit, des souvenirs horribles Représentent des dieux les oracles terribles. Quelquefois, dans l'horreur des songes de la nuit, Elle croit voir Énée, elle l'appelle, il fuit: Il fuit! et, seule en proie à ses inquiétudes, Elle croit traverser d'immenses solitudes,
Croit chercher ses sujets dans de lointains déserts : Tel Penthée, après lui traînant tous les enfers, Voit deux soleils aux cieux, deux Thèbes sur la terre, Et cent spectres affreux qui lui livrent la guerre : Tel Oreste éperdu croit voir à ses côtés
Sa mère secouant ses serpens irrités;
Plus loin, la torche en main, et rugissant de joie, Alecton qui l'attend, prête à saisir sa proie.
Alors, au désespoir remettant son destin, Elle aborde sa sœur; et, sous un front serein, Cachant l'affreux projet qui couve dans son ame: << Félicite ta sœur, dit-elle: de ma flamme
L'objet n'est plus à craindre, et je sais le moyen » De dégager mon cœur, ou d'enchaîner le sien. » De ces mers où le jour va plonger sa lumière, » Des bornes de l'Afrique où sur sa tête altière
Oceani finem juxta solemque cadentem, Ultimus Æthiopum locus est, ubi maximus Atlas Axem humero torquet stellis ardentibus aptum. Hinc mihi Massylæ gentis monstrata sacerdos, Hesperidum templi custos, epulasque draconi Quæ dabat, et sacros servabat in arbore ramos, Spargens humida mella soporiferumque papaver, Hæc se carminibus promittit solvere mentes Quas velit, ast aliis duras immittere curas; Sistere aquam fluviis, et vertere sidera retro: Nocturnosque ciet Manes: mugire videbis
Sub pedibus terram, et descendere montibus ornos. Testor, cara, deos, et te, germana, tuumque Dulce caput, magicas invitam accingier artes. Tu secreta pyram tecto interiore sub auras Erige; et arma viri, thalamo fixa reliquit
Impius, exuviasque omnes, lectumque jugalem, Quo perii, super imponas. Abolere nefandi
Cuncta viri monumenta jubet monstratque sacerdos. Hæc effata silet. Pallor simul occupat ora. (52 Non tamen Anna novis prætexere funera sacris Germanam credit, nec tantos mente furores
» L'infatigable Atlas porte le poids des cieux, » Une antique prêtresse est venue en ces lieux : » Consacrée aux autels des jeunes Hespérides, >> C'est elle qui jadis contre des mains avides » Protégeoit les fruits d'or de leur fertile enclos, » Qui d'un miel odorant, mêlé de froids pavots, » Nourrissoit leur dragon, et du monstre sauvage » Endormoit à son choix ou réveilloit la rage. » Son art endort aussi les chagrins amoureux, » Ou d'un ardent amour réveille tous les feux : » Sous ses pieds tu verras s'ébranler les campagnes, » Les pins déracinés descendre des montagnes, » L'onde arrêter son cours, l'Olympe ses flambeaux, » Et les mânes sortir de la nuit des tombeaux. » J'en atteste le ciel, chère sœur, et toi-même; Malgré moi j'ai recours à son pouvoir suprême. > Toi, si tu plains les maux de ce cœur agité, » Dans un lieu découvert, mais des yeux écarté, » Que par tes soins secrets un bûcher se prépare; >> Qu'on y place le fer qu'a laissé le barbare, » Et toute sa dépouille, et ce lit conjugal,
» De ma ruine, hélas ! le complice fatal.
» Pour chasser de mon cœur un amour trop funeste,
» Il nous faut de l'ingrat détruire ce qui reste. »
Elle dit, et pâlit. Mais cependant sa sœur
peut de son projet soupçonner la fureur. Elle n'augure pas de sa douleur cachée
Un désespoir plus grand qu'à la mort de Sichée,
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