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camarade assez léger ou assez peu avisé pour barquer avec eux dans ce complot.

s'em

Comme tout cela n'étoit fait que pour picoter et pour narguer l'Académie royale, l'instigateur eut grand soin que le bruit lui en parvînt au plus tôt et de plus d'un endroit. M. Le Brun, dès qu'il se fut assuré de la vérité du fait, crut que le meilleur parti à prendre étoit d'en rendre compte à M. le chancelier. Il lui représenta avec tant de force tous les inconvénients qui pourroient naître d'un pareil attroupement, que M. le chancelier résolut de le dissiper de sa seule autorité et sans délai. Il chargea à l'instant même le sieur Picot, exempt de ses gardes, de se transporter sur les lieux où se tenoit cette prétendue académie, et d'enjoindre au principal locataire de la maison de n'en point souffrir la continuation, à peine d'en répondre en son propre et privé nom. Picot surprit nos déserteurs au milieu de leurs exercices. Son seul aspect leur imprima une telle alarme que chacun d'eux se sauva comme il put. L'exempt, après avoir fait fermer la porte et y avoir fait apposer son cadenas, exécuta le surplus de sa commission, en sorte que cette affaire parut être terminée sans retour.

Celui qui en étoit le moteur caché n'étoit point homme à lâcher prise si aisément : il inspira à cette troupe mutine une bien plus forte audace

qu'il lui en avoit fallu pour faire simplement bande à part. Il lui dressa un mémoire en forme de requête que, par l'astuce de ses conseils, elle osa bien aller présenter en corps à M. le chancelier. Dans cet écrit, elle exposa en substance qu'eux, suppliants, s'ils avoient pris le parti de transférer des exercices, qu'ils croyoient et libres et permis par eux-mêmes, dans le lieu dont ils venoient d'être expulsés si rigoureusement, c'étoit : 1o Parce que celui où se tenoit l'Académie royale étoit dans un éloignement si considérable de ceux de leurs demeures ordinaires qu'ils ne pouvoient y communiquer, surtout en la saison d'hiver où l'on étoit alors, qu'avec beaucoup d'incommodité, de peine et de danger; 2o Parce que les professeurs de l'Académie royale, en renonçant, comme il étoit notoire qu'ils faisoient, au devoir d'enseigner dont ils étoient tenus, eux, suppliants, se trouvoient privés de toute instruction et absolument abandonnés à eux-mêmes; cette imputation étoit assaisonnée de plusieurs traits et allusions satiriques conçus avec beaucoup d'ambiguïté, afin d'en pouvoir au besoin éluder la répréhension; 3° Parce que, contre les espérances précises qu'on leur avoit données de les admettre gratuitement aux exercices, on les faisoit contribuer, et que même ils avoient eu des avis certains que l'on étoit résolu de forcer encore ces contingents; et enfin 4o Parce quc

l'Académie royale ayant abrogé les leçons qui s'y donnoient ci-devant sur la perspective, ses étudiants ne pouvoient plus marcher dans la route des arts que comme des aveugles, étant certains que cette science en est comme l'œil et l'indispensable guide sans lesquels on ne sauroit voir avec justesse ou agir avec sûreté. La complaisance avec laquelle le mémoire s'étendoit et appuyoit sur ce dernier article auroit seule achevé de déceler son auteur, s'il n'y eût eu une indication bien plus décisive encore. Bosse avoit eu l'effronterie de le remettre à ces jeunes gens entièrement écrit de sa main, et de le leur faire présenter en cet état à M. le chancelier.

La bonté naturelle de ce vénérable chef de la justice le porta à recevoir cette production, nonobstant l'extrême irrégularité de ses présentateurs, et à l'envoyer tout uniment en communication à M. Le Brun, pour qu'il en conférât avec l'Académie. Elle ne put voir sans la dernière indignation ce tissu d'imputations odieuses et pleines de faussetés dont étoit composé ce téméraire écrit. Cette indignation ne tint pas longtemps contre les sentiments ordinaires de la compagnie; elle y céda le moment d'après, et crut pouvoir se contenter, sans récriminer le moins du monde contre Bosse, de la punition des premiers et principaux auteurs de ce soulèvement, lesquels, par une dé

libération en forme, elle bannit des écoles académiques et pour toujours.

Mais le secrétaire observa à la compagnie que l'occasion qui se présentoit lui paroissoit trop favorable pour qu'elle manquât d'en retirer le fruit qu'elle lui pouvoit produire, et proposa que l'on s'en prévalût pour obtenir une ordonnance du roi ou toute autre disposition équivalente portant défense de former ni tenir aucune semblable assemblée, sous peine d'amende et même de prison. L'avis fut approuvé de tous, et M. Testelin fut prié de le jeter sur le papier, pour servir comme de canevas au projet de requête qu'il faudroit dresser, ce qu'il fit à l'heure même et en peu de mots.

M. Ratabon se saisit du papier, disant qu'il se chargeoit de l'affaire et qu'il promettoit d'en rendre bon compte. Ce qui lui inspira ce vif empressement fut moins le plaisir de servir le corps académique que celui de se venger personnellement de Bosse, qu'il haïssoit de tout son cœur. L'on crut aussi qu'il cherchoit à se faire de fête auprès de M. Colbert par l'air d'homme zélé pour l'honneur et les intérêts de ce corps que lui pouvoit donner cette petite négociation. Il la termina tout à sa tête et sans en rien communiquer à la compagnie. Si elle eût été consultée, comme elle auroit dû l'être, elle eût certainement rectifié dans la re

quête qu'il construisit quelques exposés peu exacts et peu convenables, lesquels sont ensuite passés dans le préambule de l'arrêt qui intervint en conséquence, et qui nous empêchèrent pendant longtemps de le rendre public par l'impression. Quoi qu'il en soit, le dispositif en fut ferme et énergique, et pour le droit et pour le fait en question, et même par rapport à Bosse nommément : « Le >> roi y défendit très expressément les assemblées » desdits prétendus étudiants, sous quelque pré>> texte que ce fût, à peine de prison, et à tous pro» priétaires et locataires des maisons de les rece» voir, à peine de cinq cents livres d'amende, » payables à l'hôpital général. Et, quant à ce qui >> concernoit Bosse, S. M. lui défendit de même » de s'ingérer d'aller se présenter dorénavant à » l'Académie royale, de continuer de prendre la » qualité de membre de cette Académie, d'en » parler autrement, ainsi que de tous ceux qui la » composent, qu'avec honneur et respect, et en>> fin d'écrire aucunes lettres, libelles, mémoires, » requêtes, factums, ni autre chose qui les pût » regarder, à peine de prison; et, en cas de con» travention, S. M. commettoit, pour l'exécution » de l'arrêt, les commissaires des quartiers, non>> obstant tout appel, dont elle se réservoit la con» noissance. » Cet arrêt fut rendu sur le rapport de M. Colbert, à Paris, le 24 novembre 1662.

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